Rendre les coups

Rendre les coups : lutter au-delà du ring

Et si à travers la boxe, d’autres luttes se jouaient ? Dans son ouvrage Rendre les coups, paru le 6 octobre dernier chez Le Passager Clandestin, Selim Derkaoui déploie l’idée que la boxe, ce n’est pas juste un combat qui a lieu sur le ring. Boxer, c’est faire face à des réalités sociales, géographiques, politiques, économiques… A travers un documentaire immersif, l’auteur donne la voix à celles et ceux qui la pratiquent et qui, consciemment ou inconsciemment, participent à l’écriture d’une histoire sociale collective.

Dès le départ, Selim Derkaoui précise que “Rendre les coups n’est pas un livre sur la boxe“. La pratiquer ne l’a d’ailleurs jamais vraiment intéressé, mais l’étudier, oui. Son ouvrage, c’est donc une analyse politique sur tout ce que la boxe peut représenter dans la société, et tout ce qu’elle peut impliquer pour ceux et celles qui la pratiquent. C’est au travers de son enquête et de ses différentes rencontres avec des champion·nes et des entraineur·ses que le constat est évident : nombreuses sont les luttes qui traversent ce sport. La boxe, c’est la débrouille, la survie, mais c’est aussi le sport de l’antiracisme, de l’autodéfense féministe, et surtout, le sport de la lutte des classes.

La France du bitume et de la pâture sur le ring

La boxe, Selim Derkaoui le rappelle, c’est un sport très implanté dans les quartiers populaires. Mais pas qu’à Paris. “On parle beaucoup de la banlieue parisienne, alors qu’il y a des quartiers populaires dans toute la France, autour de Nantes, de Caen, là où j’ai grandi, confie l’auteur. Et dans ces endroits-là, il y a beaucoup de clubs aussi.” Son père, Mustapha Derkaoui, a été boxeur amateur dans sa jeunesse, dans la banlieue de Caen. Arrivé en France après l’indépendance de l’Algérie, il a travaillé comme brancardier à l’hôpital, et s’est syndiqué. Il a largement contribué à la politisation de l’auteur.

Etant dans ces quartiers-là, on a une proximité avec le monde rural, explique Selim Derkaoui. Les interactions sont différentes : mon père, immigré, faisait de la boxe dans un club du coin, sortait en boîte, etc., et finalement, les petits blancs des campagnes qu’il croisait, ils étaient de sa classe sociale mais pas de la même origine ethnique, donc ça croisait plein de choses.” A la fin, le but restait le même : se débrouiller, se défendre des oppressions, du travail, du manque d’opportunités, des déterminismes sociaux, des étiquettes, et bref, rendre les coups.

Un entretien de Nina Nowak. Réalisation et mixage : Victor Taranne.

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