Il est aisé de tomber dans les clichés lorsque l’on parle de la lutte contre le projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes, de présenter ceux qu’on appelle les “Zadistes” comme des extrémistes irresponsables, parfois violents, et de les opposer aux agriculteurs engagés qui regardent parfois d’un œil étonné leurs compagnons de lutte. Le documentaire “Les Pieds sur Terre” , de Baptiste Combret et Bertrand Hagenmüller, évite cet écueil.
Entre décembre 2012 et mai 2015, les deux réalisateurs ont posé leur caméra dans le hameau du Liminbout, à la frontière de la ZAD, où agriculteurs et militants se côtoient, tentent de se comprendre et de s’allier pour combattre ensemble l’aéroport “et son monde”. Le film débute avec Claude et Christiane, un couple venu s’installer ici dans les années 90 pour fuir l’engrenage du “tout consommation”. C’est d’ailleurs la rencontre “fracassante” avec Claude, personnage particulièrement goguenard, qui les a poussés à entreprendre ce documentaire. On suit également la jeune Sarah et son bébé, qui viennent du milieu du squat.
Baptiste Combret et Bertrand Hagenmüller n’ont pas voulu faire un film “journalistique” ou militant. Ils ont préféré s’immerger dans le quotidien de ce hameau d’une dizaine d’habitants, pour “montrer des gens qui ont les pieds sur terre parce qu’ils cherchent à donner du sens à leur vie en se reconnectant au monde”. Bien sûr, Les pieds sur terre n’élude pas les incompréhensions entre ces deux mondes que tout sépare a priori sauf l’amour d’une terre promise à la destruction. En lisant le journal de la ZAD, une des agricultrices s’étonne des critiques formulées à l’encontre de sa profession. “Il va encore falloir que je leur explique pourquoi on ne peut pas passer au bio”, explique-t-elle, la mine un peu déconfite. Claude est longtemps resté distant des “Romanichels” qui sont venus planter leur caravane pas très loin de sa ferme.
Au final, on n’est ni dans l’hagiographie, ni dans la critique. “Leur longue immersion et les liens qu’ils ont tissés avec leurs personnages leur ont permis de recueillir une parole sincère”, explique Louise Hentgen, la productrice. Des histoires individuelles qui s’articulent aux histoires collectives. De belles images qui racontent des tranches de vie, laissent le temps d’apprécier les subtilités des relations entre ces habitants et, surtout, d’apprécier la beauté d’un territoire où la nature a repris ses droits. Un bel hommage à ces hommes et ces femmes qui essaient de vivre ensemble, malgré leurs différences, qui tentent de bâtir un nouveau monde, qui tâtonnent et expérimentent au quotidien.
Qu’adviendra-t-il de ce combat ? Emmanuel Macron, le nouveau président de la République, n’a pas été très clair sur le sujet. Même si l’aéroport était abandonné, ses habitants seraient certainement évacués : il n’est pas possible pour l’État de laisser se pérenniser une “zone de non-droit” où les règles de la société sont sans cesse réinventées, où l’on expérimente avec succès de nouvelles manières de vivre ensemble, où l’on peut enfin croire qu’un autre monde est possible…
Infos Pratiques : Le documentaire est diffusé à L’Espace Saint Michel à Paris et dans de nombreuses salles en France. Détails ici.