Mercredi 9 octobre dans le nord-est de la Syrie, des militaires turcs et leurs supplétifs syriens ont lancé une offensive contre le Rojava, territoire autonome Kurde. Une attaque qui fait craindre le pire pour les civils mais aussi pour l’avenir de l’expérience politique menée dans cette région. En exclusivité pour Radio Parleur, Loughar, militant internationaliste français donne à entendre son témoignage. Il détaille la situation sur place, son implication et l’état d’esprit de la population alors que le cessez-le-feu prend fin ce mardi soir.
“Je suis là en tant qu’habitant de Derik et je ferai mon maximum pour défendre cette révolution”. Même à travers la fonction téléphone de l’application Signal, la voix de Loughar, militant français présent au Rojava se fait déterminée. Comme plusieurs dizaines d’étranger·es “venu·es de nombreux pays”, il est actuellement à Derik, ville kurde à l’Est du Rojava. Les combats entre forces kurdes et turques ont lieu bien plus à l’Est, dans la ville de Serekaniye mais la tension est palpable à Derik. La ville est située à quelques kilomètres de la triple frontière entre la Syrie, la Turquie et l’Irak, au cœur de la “zone de sécurité” dont l’armée turque veut s’emparer.
Raconter ce qu’il se passe pour faire pression sur la Turquie
Pour le moment, Derik échappe aux bombardements malgré cela, la guerre est toute proche. Des avions passent régulièrement au dessus des toits et des tirs d’artillerie résonnent au loin. Depuis plusieurs jours, Loughar passe ses journées sur son ordinateur. Il relaie les informations des médias pro-kurdes, ils lancent aussi des appels pour des mobilisations de soutien partout dans le monde “on essaye de faire monter la pression sur la Turquie. Le but ce serait d’obtenir l’arrêt des combats” explique le militants français.
Les combats justement, ils ont été en partie stoppés par un fragile cesser le feu obtenu le 17 octobre par les États-Unis. Une trêve politique qui n’a pas mis fin à tous les combats sur le terrain “on nous signale des affrontements encore en cours à l’extérieur de Serekaniyé” affirme le militant français. C’est cette pause dans l’offensive turque qui prend fin, sans solution politique, ce mardi 22 octobre à 22 heures (21 heures en France). Le retrait des forces états uniennes décidé par, Donald Trump début octobre, à marqué le point de départ de l’offensive turque. À Derik, comme partout au Rojava, ce revirement occidental est très mal vécue par les habitants “lors du départ des dernières troupes américaines, les gens ont lancé des cailloux sur les camions ainsi que des insultes, pour nous ce retrait, c’est une preuve de lâcheté et une trahison”
Loughar est présent depuis plus de 8 mois au Rojava, il est venu pour participer à “Make Rojava Green Again”, un projet écologique ambitieux détaillé récemment dans un article par nos confrères et consœurs de Reporterre. Il est conscient du danger mais pour lui pas question de partir : “n est impliqué dans la vie démocratique locale, on fait partie des mouvements de jeunesse, on a décidé de venir participer à cette révolution, ce n’est pas pour l’abandonner maintenant”.
“Des nouvelles méthodes de vie démocratique entre personnes égales”
Car à ses yeux, c’est bien une expérience politique unique qui est menacé par l’assaut des forces turques sur le Rojava “Ici on défend une manière de vivre, chaque jour s’établissent des nouvelles méthodes de vie entre personnes égales. C’est la révolution des femmes, ici elle sont libres de s’impliquer politiquement” .
Lorsqu’on lui demande si cet assaut peut sonner la fin de cette expérience politique, il acquiesce. “C’est possible. Mais les choses ne vont pas s’arrêter quoi qu’il arrive”. Selon lui “les idées et les pratiques révolutionnaires sont ici tellement infusées qu’elles ne peuvent pas disparaître du jour au lendemain”.
Reste maintenant la peur d’un “nettoyage ethnique” qu’affirment craindre les organisations pro-kurdes. Si jamais les combats atteignaient finalement Derik, que fera Loughar ? “L’auto-défense fait partie des principes de notre révolution” souffle t-il. Au téléphone, un silence s’installe. Puis “On verra le moment venu… J’espère qu’on aura pas à en arriver là”.
Un entretien réalisé par Martin Bodrero.
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