Les deux militant·es des Soulèvements de la Terre sont relaxé·es

Deux membres du mouvement des Soulèvements de la Terre, Léna Lazare et Basile Dutertre ont été relaxé·es par le tribunal judiciaire de Paris vendredi 17 janvier. En novembre dernier, iels avaient été jugé·es pour ne pas s’être présenté·es à une convocation devant une commission d’enquête parlementaire.

[Article mis à jour le 17 janvier 2025]

 

En novembre 2024, Léna Lazare et Basile Dutertre étaient jugé·es devant le tribunal judiciaire de Paris pour ne pas s’être présenté·es devant une commission d’enquête parlementaire en 2023. Lors de l’audience, le parquet avait requis quatre mois de prison avec sursis et une amende de 3 000 euros à l’encontre de Basile Dutertre, et deux mois de prison avec sursis et 1 500 euros d’amende contre Léna Lazare. Il demandait aussi l’interdiction des droits civiques de Basile Dutertre pour deux ans, un an pour Léna Lazare.

 

Selon Léna Lazare, ce délibéré est « une très bonne nouvelle ». « Il faudrait que les plaintes qui visent uniquement à criminaliser les militant·es écologistes cessent tout simplement », a-t-elle ajouté, selon un article de Reporterre. Les juges du tribunal de Paris ont estimé que si Léna Lazare s’était présentée à cette commission d’enquête, elle aurait dû faire des déclarations obligatoires sans droit au silence, qui auraient pu être utilisées contre elle. Pour Basile Dutertre, convoqué à la commission d’enquête sous ce nom qui est un pseudonyme, le tribunal a considéré qu’il pouvait légitimement ne pas se reconnaître.

 

C’est la première fois dans l’histoire de la Ve République que deux personnes sont jugées pour de tels faits. Le 22 novembre 2024, devant le Tribunal correctionnel de Paris, des militant·es et des soutiens au mouvement Les Soulèvements de la Terre se sont rassemblé·es avant le procès de deux de leurs porte-parole, Léna Lazare et Basile Dutertre, poursuivi·es pour des faits inédits. Ce qui leur est reproché c’est d’avoir refusé par deux fois, en juillet et en septembre 2023, une convocation physique devant une commission d’enquête parlementaire. Cette commission examinait les violences commises durant les manifestations liées à la réforme des retraites et à celle contre les mégabassines à Sainte-Soline le 25 mars 2023.

 

Un acharnement judiciaire

La commission, présidée par le député Les Républicains, Patrick Hetzel, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche sous le gouvernement de Michel Barnier, avait été créée en mai 2023 pour étudier « la structuration, le financement, les moyens et les modalités d’action des groupuscules auteurs de violences à l’occasion des manifestations et rassemblements intervenus entre le 16 mars et le 3 mai 2023, ainsi que sur le déroulement de ces manifestations et rassemblements ». Les deux militant·es ont été convoqué·es pour répondre à des questions devant des élu·es, en tant que représentants légaux du mouvement des Soulèvements de la Terre. Alors que celui-ci n’est pas une association loi 1901, n’a aucun fondement juridique et par conséquent aucun·e représentant·e. Le questionnaire envoyé aux activistes écologistes portait sur des affaires judiciaires en cours et qui visaient le mouvement. Iels avaient alors décidé de répondre à l’écrit à ces questions. Selon le principe de la séparation des pouvoirs, « il ne peut être créé de commission d’enquête sur des faits ayant donné lieu à des poursuites judiciaires et aussi longtemps que ces poursuites sont en cours » (art. 6 ordonnance n° 58-1100 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires). Cela n’a pas suffi au président de la commission, Patrick Hetzel, qui a décidé de porter plainte contre elleux. Le fait de ne pas se présenter devant une commission d’enquête est un délit depuis 1958. Iels risquaient deux ans d’emprisonnement et 7 500 euros d’amende chacun·e. Léna Lazare parle d’un « acharnement judiciaire ».

 

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Une première dans l’histoire de la Ve République 

Au début de l’audience, Maître Mattéo Bonaglia, un des avocats des prévenu·es, affirme que c’est « la première fois de l’histoire de la Vème République qu’une personne doit répondre pour non-présence devant une commission d’enquête parlementaire ». Lors de sa plaidoirie, la procureure insiste sur le fait qu’ « iels ne se sont même pas déplacé·es » et parle même d’un « déni de démocratie », pour ne pas avoir voulu discuter avec les élu·es. Pour Léna Lazare, le ministère public requiert deux mois d’emprisonnement assortis d’un sursis, d’une amende de 1 500 euros, et d’une interdiction de ses droits civiques (droit de vote et d’éligibilité) pendant un an. Concernant, Basile Dutertre, absent à l’audience pour un déplacement professionnel, il requiert une peine de quatre mois d’emprisonnement assortis d’un sursis, d’une amende de 3 000 euros et de la privation de ses droits civiques durant deux ans. « Quelle honte ! » a-t-on pu entendre à ce moment-là dans la salle d’audience de la 24e chambre correctionnelle. Suite à ces annonces, Me Raphaël Kempf a déclaré partager la vive émotion de la salle quant aux réquisitions de la procureure. Durant sa plaidoirie, il a expliqué que « la commission d’enquête n’est pas un lieu de dialogue et n’est pas pensée pour ça. Les député·es ne sont pas là pour écouter. » Pour lui, cette commission a voulu se faire le relais d’une exigence portée par le gouvernement, et plus particulièrement de Gérald Darmanin qui avait appelé les militant·es écologistes des « écoterroristes ». « Le ministère public se fait aujourd’hui le relais de l’exécutif. La boucle est bouclée ».

 

Clémence Le Maître

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