Mona Chollet vient de sortir son nouvel essai, tant attendu après le très réussi « Sorcières. La puissance invaincue des femmes » (2018). Cette fois-ci, l’essayiste décortique les relations hétérosexuelles pour « Réinventer l’amour ». On y retrouve la finesse de sa réflexion mêlée à des références toujours plus pertinentes qui montrent que nous avons définitivement besoin de voix féminines pour construire un amour égalitaire et sain.
À la manière de Morpheus dans Matrix, Mona Chollet nous donne le choix de plonger ou non dans son nouvel essai. La pilule bleue vous assure une « bienheureuse ignorance », naviguant plus ou moins paisiblement dans les marécages hétérosexuels du patriarcat. La rouge, c’est le choix de la lucidité qui peut parfois se révéler violente et dérangeante, mais doit servir à proposer une vision alternative et au final bénéfique du couple pour les femmes et les hommes.
Féministe et hétérosexuelle : il y a-t-il un paradoxe ?
Cette lecture fait grandir et bouleverse, aux larmes parfois, tant la cruauté avec laquelle les femmes ont été -et sont toujours par moment- traitées est flagrante. « Elle a presque l’air de penser, celle-ci… », se permet d’écrire Pierre Loti dans Madame Chrysanthéme. Jane Birkin raconte en 1974 que Serge Gainsbourg « a dit que je vivais uniquement parce qu’il me laissait vivre. Je suis sa poupée avec des qualités de poupée, mais complètement reproductible. »
Charge mentale, féminicide, injonction à la « féminité » ou à la « masculinité », inégalité des salaires et des pouvoirs… Tant de sujets qui semble rendre impossible une entente bienveillante entre les femmes et les hommes. Pourtant, Mona Chollet est décidée à trouver des pistes pour sauver ce qui peut l’être et « réinventer l’amour ». Cela ne se fera cependant pas du jour au lendemain.
« Notre société ne cesse de présenter le mal qu’un homme peut faire à une femme comme une preuve d’amour »
Pour commencer, il faut comprendre d’où viennent ces dysfonctionnements. Comment nos comédies romantiques représentant des femmes qui doivent choisir entre « pleine expression d’elles-mêmes et bonheur amoureux » influencent notre vision de l’amour ? Comment notre idéal physique de la féminité est-il une injonction à la faiblesse ? Pourquoi les prisonniers auteurs de meurtre reçoivent souvent des dizaines de déclarations d’amour alors qu’il n’en est rien pour les prisonnières ? Où en sommes nous du syndrome de l’imposteur ou de celui du saint-bernard ?
En déconstruisant des discriminations systématiques et les différentes de sociabilisations entre hommes et femmes, Mona Chollet propose, au fil des pages, d’« érotiser l’égalité ». Pour en finir avec un amour qui blesse, qui détruit, qui tue même parfois. Un livre qui se lit, se relit, se digère puis se partage.
Réinventer l’amour : comment le patriarcat sabote les relations hétérosexuelles – Mona Chollet – Edition La Découverte. 272 pages.