Sortir de la précarité des femmes au passé difficile. « La cantine des femmes battantes » créée en 2019 a rassemblé Maïté, Fatou, Aminata et Mariame autour de leur cuisine. Soutenues par un groupe de bénévoles, elles proposent tous les week-ends des repas à emporter et espèrent ouvrir un restaurant solidaire.
Dans le coin d’une rue cachée de l’Île-Saint-Denis au nord de Paris, une odeur alléchante et épicée s’élève de la cantine des femmes battantes. En cuisine, les femmes chantonnent, les bruits des casseroles et des alokos en train de frire sonnent en un joli tintamarre. Fatou, ancienne cuisinière du Méridien, prestigieux hôtel de Dakar au Sénégal, dirige les opérations. Maïté, Aminata et Mariame se chargent quant à elles de la découpe des légumes. Cette semaine, c’est tiep au menu, la spécialité de Fatou : un plat sénégalais composé de chou, poivron, sauce au persil, riz, et poulet.
S’émanciper par la cuisine
Avant de se rencontrer, les quatre femmes se sont battues avec acharnement pour arriver jusqu’en France. Si l’eldorado qu’on leur promettait ne s’avère pas aussi idyllique qu’en rêves, elles ont trouvé dans l’Hexagone la liberté dont on les privait en tant que femmes. Pour promettre un avenir meilleur à leurs enfants, elles sont parties sans leurs maris, bafouant les clichés et les jugements de leurs familles très ancrées dans la tradition du mariage.
Elles ont fuit moins la pauvreté que des violences conjugales pernicieuses. « On te prend pour un punching ball, et quand tu pars, ta famille te jette l’opprobre, elle ne t’accepte plus, », soupire Mariame, qui a fui la Côte-d’Ivoire avec son plus jeune fils.
La cantine des femmes battantes ne fait pas que la cuisine
Certaines d’entre elles ont laissé des enfants au pays, et leur envoient un peu de l’argent que leur rapporte la vente des repas. Une partie de l’argent gagné sert de caisse commune pour aider les habitant·es de l’Île-Saint-Denis, ou des personnes dans le besoin. Le reste sert à acheter la nourriture et les ustensiles pour la semaine suivante. La cantine des femmes battantes a même ses livreurs : deux bénévoles, Luca et Tarik. Ils apportent également une aide administrative essentielle aux exilé·es qui fréquentent la cantine.
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C’est d’ailleurs ce qui a rapproché Luca et les quatre femmes. Maïté, Aminata, Fatou et Mariame vivent dans un squat. Faute de pouvoir obtenir une carte d’identité, et ainsi décrocher un travail, elles ne peuvent accéder ni au RSA, ni à un logement. Lors d’une fête dans son squat, Fatou est aux fourneaux. La conversation s’engage avec Luca et naît aussitôt l’idée de monter un collectif d’entraide pour lui permettre de vivre de sa passion, la cuisine. Rapidement Maïté, Aminata et Mariame embarquent dans l’aventure. Ni une ni deux, la cantine des femmes battantes est lancée.
Une association vouée à se développer
Ce soir, les femmes ont 18 plats à cuisiner. Certains jours, elles montent jusqu’à 40 commandes. « Quand on a lancé l’association, on ne faisait que des évènements. Un peu partout en Île-de-France. Mais avec le COVID, tout a basculé, alors on s’est mises à la vente à emporter. On a besoin de votre aide », explique Maïté en surveillant ses marmites.
Maïté, Aminata, Fatou et Mariame espèrent un jour pouvoir disposer d’un local à leur nom. Qui sait, peut-être ouvrir leur propre restaurant, avec une épicerie dédiée aux produits africains. Leur projet se veut d’abord solidaire. Pour elles, former d’autres femmes dans la même situation de précarité qu’elles serait une évolution naturelle de l’association. Elles espèrent donc permettre à d’autres femmes de décrocher un poste et un salaire dignes.
Si vous souhaitez commander un plat, préparé avec amour, par « La cantine des femmes battantes », vous pouvez les contacter via Facebook où elles postent chaque semaine leur menu en avance, ou sur Instagram. Vous pouvez aussi directement leur adresser un mail : lacantinefb@gmail.com !
Pour 13 euros, l’association propose un repas complet, dont le menu varie chaque semaine, accompagné d’un jus de gingembre ou de Bissap, et parfois d’un dessert. Plats végétariens tous les soirs et légumes bios obligatoires : tout le monde doit pouvoir y trouver son compte.
Un reportage de Lucie Pelé. Photo de Une : Lucie Pelé.
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