Après le centre commercial, la gare. Pendant dix ans les militant·es du Collectif Pour le Triangle de Gonesse (CPTG) ont lutté pour défendre les dernières terres fertiles d’Île-de-France contre la bétonisation. Iels ont gagné une première bataille, et fait annuler le projet de centre commercial de luxe EuropaCity. Mais aujourd’hui, un nouveau front s’ouvre pour les opposant·es : une gare au beau milieu des champs. Pour la stopper, une ZAD est née, la première en Île-de-France.
Depuis la route, la Zone à Défendre ne paye pas de mine, cachée derrière des palissades en tôle. Une fois à l’intérieur, c’est une autre histoire. Une demi-douzaine de cabanes se sont déjà construites en à peine quelques jours. On y trouve une cuisine, une bibliothèque qui fait aussi office de boutique gratuite, plusieurs dortoirs, une salle de bain, des toilettes… bref, tout le confort moderne, ou presque. C’est le deuxième weekend d’installation de la ZAD, et plusieurs chantiers battent leur plein. Un salon commun, un potager, des cabanes d’habitation, c’est un petit village qui se bâtit.
Beaucoup d’occupant·es mais peu d’espace
Et les besoins sont importants. Le flot de militant·es, d’opposant·es, et de sympathisant·es grandit de jour en jour, mais l’espace pour loger au chaud ces quelques dizaines de personnes manque encore. Pas question de dormir à la belle étoile par -7°. Pour lutter contre le froid, les cabanes sont isolées avec ce qu’il y a, de la paille au polystyrène. Certaines cabanes sont enterrées dans le sol, et s’équipent de cheminées. L’expérience précieuse des zadistes de Notre-Dame-des-Landes, présent·es dès les premiers jours, a fait la différence.
La proximité de Paris permet un accès facile, et toute sorte de curieux·euses viennent prêter main-forte. “Il y a une grande hétérogénéité, en âges, en parcours… et c’est vraiment important je crois”, estime Aline, occupante de la ZAD. Cela demande aussi qu’une attention particulière soit portée à la communication et au dialogue, les sensibilités politiques étant diverses : des gilets jaunes, des militant‧es d’Extinction Rebellion, des faucheurs d’OGM, le Secours Populaire, ou des personnes sans affiliation particulière. Avec une telle affluence, chacun‧e apportant ce qu’iel a sous la main, les réserves de matériaux de construction ou de nourriture ne manquent pas. Elles débordent même.
Une semaine d’occupation
Samedi 13 février, il est 16h, les militant·es manifestent à quelques kilomètres de là, devant la gare de Villiers-le-Bel-Gonesse. Il ne s’agit plus de lutter contre le projet Europacity, abandonné voilà quelques mois déjà. Pourquoi le projet de gare de Gonesse mérite-t-il tous ces efforts, alors ? Pour les opposant·es, c’est tout simplement la tête de pont vers d’autres projets. Autour de la gare, iels ne veulent pas voir se construire des zones d’activité et de commerce qui artificialiseraient les terres agricoles. La foule prend le chemin de la ZAD, derrière La Fanfare Invisible qui donne de l’entrain à la centaine de bâtisseurs·euses du jour. La ZAD n’a qu’une semaine, mais elle suscite l’enthousiasme, et cela contrarie grandement le maire de Gonesse.
Sur le même thème : Triangle de Gonesse, lutter contre une gare égarée
Le maire de Gonesse vent debout contre la ZAD
Jean-Pierre Blazy, édile socialiste, multiplie les empêchements contre les occupant·es de la ZAD. Bernard Lou, l’un des opposants, a la dent dure : “Le maire n’a aucun pouvoir sur cette ZAD, et pourtant il a fait preuve d’un acte dictatorial.” La semaine dernière, un arrêté municipal interdisant la voie d’accès à la ZAD à la circulation a rendu la situation compliquée. Pour Bernard Lou, c’est totalement injustifié. “Nous avons une voie adaptée, nous respectons le code de la route. Nous allons donc saisir le tribunal en référé“.
De même, certains occupant·es accusent le maire d’avoir fait pression sur les gens du voyage, voisins de la ZAD. “Il avaient fourni un accès à l’eau et à l’électricité jusqu’à ce que la mairie menace de leur couper cet accès,” dénonce Sylvain.
Le procès mercredi, et les travaux dès lundi ?
Le président du CPTG, Bernard Loup, s’est domicilié sur la ZAD. C’est son nom qui figure sur la boîte aux lettres. Il passe en procès aujourd’hui, mercredi 17 février, étant le seul à avoir donné son identité lors du passage de l’huissier. Les occupant·es espèrent obtenir un report, mais en cas d’expulsion, tous et toutes sont déterminé·es à rester, en voulant éviter l’affrontement avec la police… dans la mesure du possible.
Reportage par Elin Casse. Photo de Une : Sylvain Lefeuvre, pour Radio Parleur.