Depuis le lundi 31 août, l’île du Carnet, en Loire-Atlantique, est devenue un lieu de résistance. Des militant·es écologistes sont installé·es sur cette zone humide pour lutter contre l’extension du Grand port de Saint-Nazaire. Le site naturel est désormais une Zad, une Zone à défendre.
Les travaux de bétonnage auraient dû commencer il y a deux semaines, mais la mobilisation des militant·es les a retardés. Un bulldozer a cependant réussi à entrer sur les lieux. Et a commencé à raser une partie de la flore, au grand mécontentement du collectif Stop Carnet. « 110 hectares de la zone vont être impactés. Et dans ces 110 hectares, il y a 51 hectares de zone humide. Ici, nous sommes menacés de submersion, et les zones humides sont indispensables pour faire une zone tampon. Avec leur projet, il y a 116 espèces protégées qui sont menacées. La Loire naturellement va être durement touchée », explique Gabriella, une des fondatrices du collectif Stop Carnet. L’artificialisation des terres prévue doit permettre l’extension du Grand port de Saint-Nazaire, avec l’installation d’un parc industriel dédié aux énergies renouvelables selon la direction du port.
Pour lutter contre ce projet, des zadistes ont investi les lieux. Ils et elles ont dressé des barricades pour empêcher les pelleteuses de passer. Une véritable vie en communauté s’organise, malgré la peur de l’expulsion. « Tous les soirs, j’ai peur que les flics arrivent le lendemain, matin entre 4 et 6 heures du matin. Je vais me coucher habillé, au cas où j’entends une grenade au réveil », témoigne Chouchen, présent depuis le lundi 31 août. Pieds nus, la vingtaine, le jeune homme arpente la Zad avec un tee-shirt noir noué sur la tête, pour se protéger du soleil.
Une communauté déjà soudée pour “libérer” la Zad du Carnet
Vivre dans une Zad c’est vivre en communauté : préparer le repas pour tout le monde, faire la vaisselle, dresser des barricades aller chercher de l’eau. Parmi les personnes venues pour apporter leur soutien, il y a des militant·es féministes, des étudiant·es et des locaux. Le camp s’organise entièrement en autogestion. Et tout le monde participe. Les journées sont aussi rythmées par des débats : « Hier j’épluchais des poires pour faire de la compote et on débattait sur “est-ce que le bonheur est le but de la vie ?“. C’est ce qui fait la richesse des gens ici : leurs vécus, leurs expériences … », confie Laura*, une étudiante aux longs cheveux blonds. Dans ses mains, la militante tient un petit carnet où elle écrit des chansons : “La vie en rose”, d’Edith Piaf, devient “La vie en Zad”.
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Pour Yoann, maraîcher bio dans le pays de Retz et membre de Stop Carnet, il faut absolument revoir notre conception de la nature. « On a une vision hallucinante de la nature en France. C’est une vision paysagère, anthropocentrée, où il faut absolument intervenir. On a besoin de sauvage, de zones où on ne contrôle pas. On a besoin de s’émerveiller », souligne-t-il avant d’ajouter : « On va tout faire pour que la lutte gagne et que le Carnet soit libéré de tout projet d’industrialisation ».
Le bras de fer entre les Zadistes et les autorités ne fait que commencer
Les membres du collectif Stop Carnet et les zadistes sont plutôt confiant·es. Pour elleux, les travaux vont finir par être annulés. Une zone d’accueil à l’entrée de la Zad est même dédiée à sensibiliser riverain·es, cyclistes et promeneureuses. En attendant, le département de Loire-Atlantique a porté plainte mercredi 2 septembre pour dégradation de la route qui mène au site suite aux mobilisations estivales. La lutte se poursuit donc sur la Zad du Carnet. Une nouvelle journée de mobilisation est annoncée pour ce 14 septembre. Elle a débuté par la destruction d’une des barricades par les services municipaux sur la commune de Frossay.
Le prénom a été modifié*
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Un reportage réalisé par Marion Pépin. Photo de une : Gabriel Pacheco pour le Collectif Prism.