Ajouter une crise à la crise. À Mayotte, l’épidémie de Covid-19 menace une population fragile, vivant à 84% sous le seuil de pauvreté. Entre désert médical et pénuries quotidiennes, l’État est accusé d’abandon. Des associations locales prennent les choses en main.
Si à Mayotte, le bilan officiel des infections liées au Covid-19 n’est pas alarmant – 350 personnes infectées et quatre morts – la situation reste préoccupante : manque de moyens médicaux, pénuries alimentaires… telles sont les conditions auxquelles doivent faire face les habitants de l’île pendant cette épidémie.
Pourtant, face à la crise du coronavirus, le sous-préfet de Mayotte, Jérôme Millet, se veut rassurant. Mais, concernant le procès en abandon de l’État, il botte en touche : « Nous mettons en place des moyens pour endiguer l’épidémie et venir en aide aux populations les plus pauvres. ».
Les gestes barrières sont impossibles à respecter pour beaucoup de Mahorais. 30% de la population n’a pas accès à l’eau courante, et 60% vit dans des bangas, ces maisons de tôle qui forment désormais des bidonvilles à perte de vue. Pour leurs habitant・es, le confinement est impossible, s’agace Dominique Ségard, présidente de la Cimade à Mayotte : « L’île compte plus de 300 000 habitants, et un logement sur quatre est un logement en taule. Les familles s’entassent dans ces maisons où la chaleur est insupportable. »
Comment protéger les bidonvilles de Mayotte du Covid-19 ?
« Ici, les gens ont plus peur de mourir de soif et de faim que du coronavirus », se désole Dominique Ségard. Le gouvernement a pourtant versé 4 millions d’euros, entièrement consacrés à l’aide alimentaire dans les département d’outre-mer. « La question de la faim est existante dans les territoires d’outre-mer », a reconnu mardi 14 avril la ministre des outre-mer, Annick Girardin.
Ces aides doivent être renforcées en Guyane et à Mayotte. Pour le moment, leur impact n’est pas fulgurant, reconnaît le sous-préfet. « La difficulté est que le territoire était déjà dans une situation d’urgence avant la crise du Covid-19 à Mayotte. Elle n’a évidemment pas changé depuis mars. » C’est bien là que le bât blesse : comment gérer une nouvelle crise dans un département déjà en crise ? « Sans eau courante ni nourriture, la faim et la soif deviennent un fléau », explique Dominique Ségard.
Malgré les mesures prises pour tenter d’éviter les rassemblements, la préfecture peine à empêcher les habitant·es de faire des heures de queue pour se ravitailler. L’installation d’une quinzaine de rampes d’eau destinées aux personnes des bidonvilles se font attendre. « Ces rampes d’accès à l’eau devraient être installées dans trois semaines, confie la présidente de la Cimade. Plus de six semaines après le début du confinement, c’est bien trop tard ! »
Reportage réalisé par Yoanna Sallese. Crédit photo : Félicia Joëlle Addea
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