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Pour Chronopost, les sans-papiers jetables

Bientôt deux mois qu’ils sont en grève. Une quarantaine de jeunes travailleurs sans-papiers campent devant l’agence Chronopost d’Alfortville. Hier, ils ont manifesté ce jeudi 1er août devant le siège de la Banque Postale dans le très chic VIe arrondissement de Paris, pour demander des régularisations promises.

Travailler la nuit, porter des colis de plusieurs dizaines de kilos, avec un rythme effréné… “ceux qui ont leur papiers, ils refusent de le faire parce que c’est trop dur. Voilà pourquoi ils ne nous régularisent pas.” Amadou Fofana, le porte-parole des grévistes, raconte les journées difficiles. Avec une quarantaine d’autres jeunes hommes, ils tiennent le piquet depuis le 11 juin. Ils multiplient aussi les actions. Devant le siège national de Chronopost en juin, avec le soutien de nombreux élu-es et porte paroles de mouvements politiques et syndicaux. Puis devant la Direccte, direction régionale des entreprises, représentation du ministère du Travail à Créteil le 18 juillet. Ils tentent d’attirer l’attention du ministère sur leurs conditions de travail chez le livreur de colis du groupe La Poste.

Personne ne veut recevoir les sans-papiers de Chronopost

Du côté des directions, de l’administration comme de La Poste, le silence. Les délégations n’ont pas été reçues par les agents publics de la Direccte le 18 juillet. L’agence d’intérim qui les a recruté pour travailler chez Chronopost fait la sourde oreille. La direction de La Poste ne leur a proposé aucun rendez-vous. La préfecture du Val-de-Marne non plus, depuis une rencontre le 2 juillet. C’est pourquoi, ce jeudi 1er août, le cortège des sans-papiers a fait le déplacement jusqu’à Paris pour manifester devant le siège social du groupe La Poste, accompagnés par plusieurs organisations syndicales dont la CGT, SudPTT et Solidaires.

Sous-traitance en cascade

Depuis le 11 juin dernier, des dizaines de travailleurs se sont installés devant l’agence Chronopost d’Alfortville. Sous la chaleur de la canicule et la pluie des orages, ils dénoncent les combines de leur employeur. Amadou Fofana explique qu’il sont presque tous arrivés ici par des agences d’intérim. Ensuite, il ne s’agit pas pour leur employeur de les garder trop longtemps. “Il y a quelques chose qui s’appelle la circulaire Valls [de régularisation par le travail, ndlr], qui permet de demander la régularisation. Chronopost fait donc tourner les employés, pour pas qu’il y ai un cumul de feuilles de paie,” détaille Jean-Louis Marziani, responsable départemental de Solidaires Val-de-Marne. C’est justement ce cumul d’heures de travail qui permet ensuite aux sans-papiers d’aller demander une ouverture de droits.

C’est qu’en effet, Chronopost a ajouté un étage de complexité à cette fusée de l’exploitation de travailleurs jetables : une sous-traitance en cascade qui rend presque impossible la mise en cause de la branche colis de La Poste, qui renvoie les grévistes et leurs soutien dans les cordes. Pour Amadou Fofana, l’hypocrisie de Chronopost est totale. “Même les gens de Chrono savent qu’on a pas de papiers.” C’est ainsi que les jeunes travailleurs arrivent au bas des camions à décharger par l’agence Mission Intérim. Un travail très dur, sous la pression de cadences rapides, et pour des salaires qui dépassent rarement les 700€ par mois. “Des salariés de La Poste seraient mieux protégés, et coûteraient plus cher. L’objectif est évidemment de tirer au maximum les coûts de production vers le bas,” conclue Jean-Louis Marziani.

Une filiale colis qui se porte pourtant bien

Chronopost est une filiale 100% La Poste qui se porte bien. Si le groupe affiche des résultats à la peine, après une année 2018 “difficile” selon les mots de son PDG, la branche Geopost, qui regroupe Chronopost et les activités à l’étranger de La Poste affiche un chiffre d’affaires en hausse de 7,3 % au premier semestre 2019. Ce que le livreur de colis express ne dit pourtant, pas c’est la part que tient le système bien huilé de la sous-traitance dans ses beaux chiffres, avec les sans-papiers de Chronopost au bout de la chaîne de tri.

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