Il y a sept ans, Seydou Bagaga se noyait en tentant de récupérer un colis dans la Seine. La Poste a été condamnée lundi 8 juillet à 120 000 euros d’amende pour ce fait. Le facteur français ne tombe pas seul : l’entreprise DNC Transport, qui sous-traitait la livraison, écope également d’une lourde condamnation.
Dans la chambre 17 du tribunal de grande instance de Nanterre, le jugement vient de tomber. Chronopost, filiale de La Poste, et son sous-traitant DNC Transport sont condamnés pour “prêt de main d’œuvre illicite” et “marchandage” (toute opération à but lucratif de fourniture de main-d’œuvre, ayant pour effet de causer un préjudice au salarié). L’entreprise devra payer une amende de 120 000 euros. Quant à Messieurs Diop et Laborde, respectivement directeurs de DNC Transport et de Chronopost, ils sont condamnés à 6 mois de prison avec sursis.
« Les sous-traitants ne sont payés qu’aux colis livrés »
Le 15 décembre 2012, à 11h00, Seydou Bagaga, 34 ans, part en tournée. Il a tout du facteur : les colis, la tenue, sauf le contrat de travail. Employé par le sous-traitant de Chronopost, DNC Transport, il fait tomber un colis dans la Seine. En essayant de le récupérer, il s’y retrouve lui aussi. Ne sachant pas nager, il ne parvient pas à remonter à la surface. Repêché plus tard par les pompiers, il est placé dans le coma.
“Les sous-traitants ne sont payés qu’aux colis livrés” nous explique Thierry Lagoutte, représentant Sud/PTT, pour expliquer la situation. Bagaga n’était pas déclaré et n’avait aucun contrat de travail au moment des faits. Il sera régularisé dans l’après-midi de son accident, alors qu’il travaillait déjà depuis une semaine pour DNC Transport. Il décèdera à l’hôpital le 8 janvier 2013.
Des pratiques illicites au sein de La Poste
La mort de Seydou Bagaga met en évidence les pratiques illicites de La Poste vis-à-vis des personnes employées par ces sous-traitants. Celles-ci travaillent dans leurs locaux, au sein de leurs équipes, et sont soumises aux directives de la hiérarchie de l’entreprise publique.
Toutefois, les syndicats ont du mal à connaître les conditions de travail de ces salarié·es. Bien que d’après Thierry Lagoutte il y « avait déjà de gros doutes sur les pratiques utilisées par La Poste », c’est avec les enquêteurs du parquet que les syndicats découvrent la situation de leurs collègues.
L’entreprise publique ne faciliterait d’ailleurs pas la tâche. Notamment, elle a contesté les délégations d’enquête du CHSCT (Comité d’hygiène et de sécurité des conditions de travail). La Poste affirmerait qu’elles ne valent que pour ses salariés, et non pas pour les sous-traitants, et qu’en plus l’accident aurait eu lieu en dehors des locaux de l’entreprise
Une population précaire qui a besoin de travailler
Les employé·es de DNC Transport sont majoritairement précaires. Ils font le même travail que les employé·es de la poste, mais sont moins rémunérés. De plus, comme l’a montré cette affaire, il leur est difficile d’obtenir des garanties quant à leur statut ou leur sécurité. Le Monde rapporte également que la charge la plus dure du travail leurs incombe, ce qui selon Thierry Lagoutte arrangerait les postiers. La situation des employé·es sous-traité·es est ainsi pour lui « un échec du syndicalisme ».
D’après la décision de la juge, le jugement sera publié dans le Figaro et les Échos. En ce qui concerne les dommages et intérêts de la victime, ils sont renvoyés à une décision le 4 octobre 2019.