Comment construire le mouvement des Gilets Jaunes ? Comment faire évoluer un mouvement qui dure depuis 5 mois ? Mardi 16 avril, dans l’attente des annonces d’Emmanuel Macron, finalement reportées à ce jeudi 25 avril, la commune de Clermont accueillait la première assemblée générale de l’Oise. Des Gilets Jaunes, venus en nombre et sans illusions sur les futures promesses du président.
Il y a foule dans la salle André-Pommery à Clermont dans l’Oise. Quatre cent personnes sont présentes ce mardi 16 avril 2019. La nuit tombe et les Gilets Jaunes attendent avec fébrilité les annonces du président Macron pour les conclusions du Grand Débat. “Il parait qu’il va parler ce soir”, espère une militante. Raté : avec l’incendie de la cathédrale Notre-Dame-de-Paris, Emmanuel Macron a choisi de reporter son allocution pour la semaine suivante. Ce report ne surprend pas vraiment les quelques Gilets Jaunes qui fument une dernière cigarette, avant le début de l’assemblée générale : “tous les prétextes sont bons pour reporter ses annonces”, soupire l’un d’eux, en précisant : “il a déjà annulé son allocution d’hier aussi. Alors on s’en doutait”.
« Ce qui a manqué sur les précédentes actions, c’est la communication »
C’est peu dire que l’attente est grande après cinq mois de mobilisation intense. La rancoeur, aussi, et la colère : “Les factieux, les rebelles…Il est incapable de prononcer le mot Gilet Jaune”, grince “Domu”, jaune de colère, en évoquant Emmanuel Macron. “Il est président de la République, mais pas des Français… Eux, il les oublie”, souffle la quinquagénaire, avant de se glisser à l’intérieur de la salle municipale. Il est 19h et l’assemblée va commencer. Les organisateurs battent le rappel alors que chacun-e s’assoit dans l’immense hall où sont accrochés des portraits de Georges Brassens, Jean Ferrat et Jacques Brel. Dès les premiers instants, le ton est donné : Jérôme Rodrigues, figure nationale du mouvement jaune fluo, joue les chauffeurs de salle et harangue la foule : “Ça fait cinq mois qu’on a redécouvert une chose d’essentielle : la fraternité. Et la fraternité nous amène à la solidarité”.
En organisant cette première assemblée générale, les différents groupes de Gilets jaunes de l’Oise entendent structurer leur mouvement, à l’instar d’autres départements, et améliorer la coordination entre les différents groupes mobilisés. “On est toujours là. Et encore plus mobilisés”, sourit “Domu”. Priscillia Ludosky, une autre figure nationale du mouvement, est venue en invitée. Elle abonde dans le même sens : “Non, le mouvement ne s’essouffle pas, mais il évolue”. Et d’appeler à la constitution d’un front, pour une grande manifestation le samedi 27 avril, à l’occasion de l’acte 24.
Ce soir, l’objectif est d’élire quatre représentant des Gilets Jaunes de l’Oise. Gaylord Dumont, organisateur et modérateur de l’assemblée, explique la démarche : “Avant, il y avait une coordination qui aujourd’hui n’existe plus en tant que telle. Ce qui a manqué entre les différentes actions de chaque groupe, c’est la communication. Les référents ont pour mission d’aller à la rencontre des différents groupes et de faire remonter les informations, pour les diffuser ensuite auprès de tous”. Sur chaque chaise, des papiers ont été distribués pour participer au vote. Quelques candidats se présentent et les participant-es les chambrent joyeusement. D’autres s’interrogent sur le cadre et les mandats qui seront donnés aux référents. Gaylord grimpe à la tribune et présente un texte, projeté sur un grand écran : “l y a une charte qu’il faudra respecter et les référents peuvent être révoqués s’ils ne la respectent pas”.
Au coeur des revendications : la casse des services publics
Au-delà de l’organisation et de la communication, il y a bien sûr les revendications. “On est inaudibles sur nos revendications” s’agace Jérôme Rodrigues. “On est des citoyens avant tout : des citoyens en détresse, qui revendiquons un pouvoir d’achat et de vivre”. A la tribune, un Gilet Jaune prend la parole à propos des réformes menées par l’État. Il aborde tour à tour le projet de loi Blanquer sur les écoles, la détresse des siens et “la casse des services publics”.
“Un des organisateurs m’a demandé de parler de la casse des services publics, principalement la santé, en un quart d’heure. Je vais faire de mon mieux. Ces services publics, c’est vous qui les payez avec vos impôts”, annonce Odile Henry. Sollicitée par les organisateurs, la sociologue, invitée de notre émission sur les rapports entre syndicats et Gilets Jaunes, intervient ce soir en tant que chercheuse pour évoquer les réformes entreprises depuis une trentaine d’années dans le cadre de “la mise en œuvre du programme néolibéral”. Elle a finalement dix minutes pour présenter ses travaux à l’assemblée, qui l’applaudit. Venue de Paris, où elle milite les samedis avec son Gilet Jaune, elle constate : “il y a un côté très fraternel et une bienveillance ici, qu’on ne trouve pas forcément à Paris”.