Samedi 23 mars 2019 à Nice, Geneviève Legay, porte-parole de l’association altermondialiste ATTAC pour la région des Alpes-Maritimes, a été grièvement blessée par une charge policière. Au micro de Radio Parleur, la secrétaire générale d’ATTAC France, Annick Coupé, dénonce une “fuite en avant” du gouvernement “vers la répression” et réclame que “toute la vérité soit faite”.
Samedi après-midi à Paris, la rumeur se répand. Une personne âgée aurait été blessée dans les rangs des Gilets Jaunes niçois. Une information rapidement confirmée par des images impressionnantes diffusées par France 3 Côte d’Azur. La tête ensanglantée de Geneviève Legay, 73 ans, à terre, fait le tour des réseaux sociaux et des médias.
Tenue informée par la famille, Annick Coupé confirme au micro de Radio Parleur que la septuagénaire a bien été victime d’une charge policière, provoquant sa chute sur un poteau. Elle s’en tire « avec de multiples fractures au crâne, mais son pronostic vital n’est pas engagé ».
« Quelqu’un d’absolument non-violent »
À Nice, Geneviève Legay est une figure du militantisme local. « Elle est connue et reconnue pour être de toutes les luttes et absolument non-violente », insiste Annick Coupé. Pour la secrétaire générale d’ATTAC, l’interdiction de cette manifestation du 23 mars s’inscrit « dans la logique de faire peur aux gens et de les empêcher de descendre dans la rue par tous les moyens ».
Une interview réalisée par Cnews quelques minutes avant la charge policière montre Geneviève Legay, un drapeau multicolore “Peace” à la main, déterminée à braver l’interdiction de manifester pour faire respecter ce droit inscrit dans la convention internationale des Droits de l’homme. Elle ne fait cependant preuve d’aucune volonté d’affrontement. Parlant des policiers elle affirme, “on leur parle, ce sont des pères de famille” avant d’ajouter “ce sont des humains comme les autres ! Ils font un sale boulot”.
#GiletsJaunes Une femme a été blessée à #Nice dans le mouvement de foule provoqué par l’évacuation de la Place Garibaldi par les CRS. Elle a été évacuée par les pompiers. Il reste une dizaine de “gilets jaunes” Place Garibaldi. IMAGES https://t.co/EBSQTs5idv pic.twitter.com/oUHKz0MFLn
— France 3 Côte d’Azur (@F3cotedazur) 23 mars 2019
Un acte sous haute répression ?
Cet acte XIX, annonçait une présence renforcée de militaires devant les lieux publics et des interdictions de manifester un peu partout en France. À Nice, le préfet des Alpes-Maritimes a pris, par arrêtés, des « mesures exceptionnelles » . Il les a justifiées en trois points. Tout d’abord la menace terroriste. Puis celle des Gilets Jaunes décrit comme « un conflit social majeur qui occasionne dans l’ensemble de la France de graves troubles à l’ordre public ». Enfin, le séjour du président chinois Xi Jinping à l’hôtel Negresco. Six quartiers de la ville ont été fermés à des horaires variables.
Le procureur de Nice Jean-Michel Prêtre a déclaré samedi après-midi avoir ouvert « une enquête classique en recherche des causes des blessures ». Il précisait à l’AFP que la charge de la police avait eu lieu “en dehors de la place, dans un mouvement confus des forces de l’ordre et des manifestants, en dehors du lieu où l’ordre de dispersion avait été donné après les sommations réglementaires ». Les premiers résultats de l’enquête amènent le procureur à conclure qu’il n’y a « pas eu de contact direct avec un agent de la sécurité ». Geneviève serait tombée après avoir été « poussée ».
Selon Annick Coupé, « il est clair que le préfet avait donnait des ordres d’intervention très durs et que la charge policière a été très violente, dans un contexte où il ne se passait rien ». Elle ajoute que des images sont disponibles sur lesquelles « on voit Geneviève tomber à terre, être enjambée par des policiers. Des streets medics ont été empêché·es par la police d’intervenir ».
La famille Legay et ATTAC portent plainte
Ce lundi 25 mars, Geneviève Legay et ses filles ont déposé une plainte contre X pour « violences volontaires » et « subordination de témoin ». L’avocate qui s’est chargée de déposer les plaintes à Nice a expliqué à l’AFP que les gendarmes auraient tenté de faire dire à Geneviève Legay que c’était un cameraman qu’il l’avait renversée. Une autre plainte vise le préfet des Alpes-Maritimes, en sa qualité de donneur d’ordres, pour « complicité de violences volontaires aggravées ».
Dans la foulée, ATTAC France a porté plainte à son tour. Annick Coupé explicite les motivations de cette action en justice. « D’une part, pour que toute la vérité soit faite. D’autre part, nous voulons mettre en cause la politique des pouvoirs publics. Le gouvernement est aujourd’hui dans une fuite incroyable vers la répression alors même que les exigences sociales montent dans le pays ».
“Quand on est fragile, on ne se rend pas dans des lieux interdits”
La secrétaire générale réagit aussi aux déclarations faites par Emmanuel Macron dans Nice Matin. Le président de la République, en déplacement sur la Côte d’Azur pour un sommet franco-chinois, a déclaré “pour avoir la quiétude, il faut avoir un comportement responsable. Je pense que quand on est fragile, qu’on peut se faire bousculer, on ne se rend pas dans des lieux qui sont définis comme interdits et on ne se met pas dans des situations comme celle-ci (…) Je lui souhaite un prompt rétablissement, et peut-être une forme de sagesse.”
Annick Coupé s’en indigne : « La sagesse pourquoi ? Parce que c’est une femme de 73 ans ? D’ailleurs je me pose la question. Si ça avait été un homme de 73 ans, est-ce que monsieur Macron aurait eu la même attitude ? Mais au-delà cela veut dire qu’un homme ou une femme de 73 ans n’est plus un citoyen un part entière et qu’il ne peut plus aller dans la rue pour s’exprimer. C’est ça sa conception de la société ».
Depuis hier, l’association ATTAC multiplie les manifestations de soutien à Geneviève Legay et à sa famille. À Nice, quelque 300 personnes se sont rassemblées sur la place Garibaldi, lundi soir. À Paris, un rassemblement est prévu place de la République ce mardi 26 mars à 18h.