Pour sa 40e édition, le festival Cinéma du réel met à l’honneur le documentaire politique. Une programmation baptisée Front(s) Populaire(s), qui interroge le pouvoir et le poids des images dans les luttes sociales. Entretien avec Catherine Bizern, nouvelle déléguée générale du festival.
Front(s) populaire(s) est une invitation à penser le rôle politique du cinéma. Le film documentaire possède en effet “la capacité de faire émerger des idées dans l’air du temps, d’animer de la pensée et de proposer aux spectateurs de devenir clairvoyants”, explique Catherine Bizern, la déléguée générale du festival Cinéma du réel.
Si Jean-Luc Godard, dans les années 60 parlait de cinéma révolutionnaire comme outil émancipateur, Catherine Bizern lui préfère le terme de cinéma activiste. “On a des choses à dire, à partager et si on est plusieurs, on peut faire avancer un certain nombre d’idées et de revendications parce que c’est vrai aussi : le monde nous appartient”.
De Damas à Paris : re-présenter les luttes
La sélection des films n’est pas exhaustive. Elle permet de découper la programmation en neuf séances dont chacune porte un thème. Le film projeté est suivi d’une discussion en présence du réalisateur ou d’un intellectuel. Elle balaye une aire géographique large : du Chaco Paraguayen, à la Ghouta orientale (Syrie), en passant par Bucarest, Kiev et Paris.
Entre luttes guerrières ou pacifistes, filmées sur le vif, mises en scène ou reconstruites, les spectateurs.rices découvrent différentes façons de re-présenter les luttes. Harun Farocki et Andrei Ujică reconstituent le déroulement de la révolution roumaine de 1989, à partir d’images diffusées par les télévisions, afin d’en faire un seul film, Vidéogramme d’une Révolution (Allemagne, 1992). Ghiath Ayoub et Saeed Al Batal, deux jeunes réalisateurs syriens, viendront présenter pour la première fois en France leur film Still Recording, une mise en scène de la guerre qui ravage leur pays.
Un festival ancré dans l’actualité
Catherine Bizern insiste sur l’origine de Front(s) populaire(s) qui n’est pas sans rapport avec l’actualité. “En France, il y a des mouvements sociaux qui se chassent les uns des autres : La Loi Travail, Nuit debout, les mobilisation des étudiant.e.s… On nous fait croire que ce sont des choses qui sortent de rien, mais tous ces mouvements se suivent depuis 2016. En réalité, nous n’avons pas arrêté d’être dans une période de revendications, de mobilisations, autour de questions purement politiques”.
Dans un tel contexte, impossible de passer à côté de l’actualité : “un festival c’est un moment. Il faut être en prise avec ce qui se passe à ce moment-là. Rien n’aurait été pire de faire un cinéma qui pose la question des luttes et de ne pas s’interroger sur ce qu’il se passe maintenant et en particulier aujourd’hui”.
L’équipe du Cinéma du réel s’est laissé une marge de manœuvre, fait rare dans la programmation d’un festival, pour mettre à l’affiche les réalisateurs du présent. Il se clôtura sur la séance « Et aujourd’hui, que peut le cinéma ? », qui mettra à l’honneur le collectif tremblements, le Doc du réel, ou encore le réalisateur Maxime Martinot. Des travaux achevés ou non, parce qu’au plus près des luttes que nous vivons. L’occasion de sortir de ce festival “avec l’espoir que du commun est possible”.
Informations pratiques : Festival cinéma du réel, à Paris, du 15 au 24 mars. Pour découvrir la programmation c’est par ici.