Dimanche 17 février, 150 personnes assistaient au meeting « Alliance Gilets Jaunes et quartiers populaires ». L’occasion de réfléchir à la façon dont peut s’amplifier l’implication des habitants des quartiers populaires au sein d’un mouvement où les manifestants issus de milieux périurbains et ruraux semblent plus visibles.
En ce dimanche de février, la salle principale de la Bourse du travail de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) résonne de discours déterminés. Ils et elles sont environs 150 à avoir répondu présent.e.s pour ce meeting “Alliance Gilets Jaunes et quartiers populaires” organisé par le comité “La vérité pour Adama” et la coordination des Gilets Jaunes d’Île-de-France.
Au programme, des revendications identiques à celles portées sur les ronds-points depuis plus de trois mois. Une meilleurs justice fiscale, sociale, la lutte contre les violences policières, l’envie de reprendre en main le pouvoir de décision… Des demandes qui sonnent comme une rengaine bien connue des quartiers populaires. Tou·te·s les intervenant·e·s sur scène et les participant·e·s s’accordent sur ce point : les exigences portées depuis quelques mois par les Gilets Jaunes sont celles scandées depuis bien longtemps dans les banlieues.
« Qui mieux que les quartiers populaires peut parler de la pauvreté ? »
Pour Priscillia Ludosky, figure médiatique des Gilets Jaunes, à l’origine de la pétition contre la hausse des prix du carburant, le gilet n’est qu’un symbole. Présente dans le public, elle ne portait pas de gilet. Les huit autres intervenant·e·s sur scène non plus. « Cela fait 40 ans dans les quartiers populaires qu’on est Gilets Jaunes, lance Assa Traoré, avec force, qui mieux que les quartiers populaires pour parler de la pauvreté ? Des violences policières ? Des logements, de la précarité ? » Celle qui, au fil de son combat pour la vérité sur la mort de son frère, est devenue un symbole de la lutte des quartiers populaires, insiste : « Ce mouvement ne peut pas se faire sans nous ».
Le 1er décembre, l’appel du Comité Adama pour aller manifester en gilets jaunes officialise cette convergence de luttes. Un événement et une présence constante qui démentent les pseudo-divisions au sein du mouvement, selon Priscillia Ludosky : « On a joué sur les différences, alors que tout le monde, que l’on vienne de banlieue ou de province, est pour plus de justice sociale et fiscale ». Comme l’aime à rappeler Toria, une cheminote présente sur scène : « Les banlieues sont déjà aux rendez-vous Gilets Jaunes. Mais quand on va manifester, on n’a pas une étiquette marquée banlieue dessus ».
La peur des violences policières, un frein à la mobilisation
Malgré tout, certain·e·s hésitent à franchir le pas. En cause, la tension entre la police et les jeunes des quartier populaires. Jean-Jacques, habitant de la Seine-Saint-Denis venu assister au meeting, souligne : « le rapport entre la police et la population ici est effrayant. Surtout avec les jeunes ». Maryam, étudiante en sociologie, le confirme : « Certains n’osent pas venir à cause des violences policières. D’autres parce qu’ils savent qu’ils vont être pris pour des casseurs. Alors qu’ils viennent juste pour manifester et faire entendre leurs revendications ».
À chaque mobilisation avec les Gilets Jaunes, la banderole du comité “La Vérité pour Adama” en hommage à Zineb Redouane accompagne les cortèges. Zined était une femme de 80 ans. Elle est décédée à Marseille, le 1er décembre, en pleine manifestation des Gilets Jaunes, touchée au visage par un tir de grenade lacrymogène alors qu’elle était à sa fenêtre. Trois mois plus tard, la vérité sur ces faits n’est toujours pas établie. Un frein à la mobilisation qu’Assa Traoré, micro en main, expose sans détour : « Entre un gilet jaune blanc, et un jeune gilet jaune noir, à votre avis, sur qui le policier tire sans réfléchir… ? Nous ne sommes pas de la chair à canon, les tirailleurs, c’est fini ! »