Depuis le 28 janvier, la maternité de Creil (Oise) a fermé ses portes, transférée à l’hôpital de Senlis. Ses opposants dénoncent une mesure “pour le fric”, prise à l’encontre des intérêts des citoyens. Mercredi 20 février, le tribunal administratif doit valider ou non cette fermeture.

Perché sur les hauteurs de Creil, dans le département de l’Oise, l’hôpital de la ville fait grise mine. Les urgences sont en grève et son chef de service Loïc Pen a démissionné en décembre dernier en réaction à la fermeture de la maternité qui était l’un des principaux services de cet hôpital public. Dans le hall de l’établissement, les membres du comité de défense et de développement des hôpitaux publics sont présents depuis l’annonce de la décision en juin 2017.

Malgré la fermeture fin janvier, ils et elles proposent toujours aux patients de l’hôpital de signer la pétition contre cette décision. Au guichet, l’adjointe administrative explique que si une femme se présente avec des contractions « elle doit se rendre aux urgences adultes. Si elle est transférable, on l’envoie sur le site de Senlis. Si l’accouchement est imminent, elle accouche dans la salle de transit avec tout le matériel nécessaire, mais pas le personnel ». L’employée de l’hôpital de l’Oise reprend « le personnel a reçu une formation de deux heures mais sans réaliser d’accouchement. Je ne pense pas qu’on fasse spécialité gynécologie en deux heures ».

Des membres du Comité pour la défense et le développement des Hôpitaux publics de Creil et Senlis. Présents le 18 février. Crédit : Scarlett Bain pour Radio Parleur

« Économiser du fric »

Le 14 février, Elise Lucet lançait ainsi le dernier reportage de son émission Envoyé spécial : “Bonsoir, depuis quarante ans, la moitié des maternités ont fermé leurs portes. Il en reste aujourd’hui 488 sur le territoire français”. Son équipe a enquêté sur la fermeture du service dans l’hôpital de Blanc, dans l’Indre. Après visionnage du reportage, difficile de penser que les raisons motivant ces fermetures soient autres qu’économiques.

Retour dans l’Oise. En France, les maternités sont classées selon trois niveaux d’après leur équipement et leur capacité à prendre en charge des grossesses à risques. Avant sa fermeture, celle de Creil en niveau 3, était au-dessus de celle de Senlis, classée niveau 2. Avec 1600 accouchements par an, elle enregistrait aussi un taux de grossesse largement supérieur à 350, le nombre limite sous lequel un établissement est immédiatement menacé de fermeture. Pour Alain Blanchard du comité de défense et de développement des hôpitaux publics « la raison essentielle est financière. Il s’agit de regrouper les deux maternités pour faire des économies d’échelle. Il s’agit tout simplement d’économiser du fric ». Pourtant, les ambitions étaient bien différentes avant la décision de transférer la maternité de Creil à Senlis. La direction de l’hôpital avait investi dans des travaux pour créer le pôle Femme Mère Enfants à Creil. Il devait justement voir le jour en 2017 mais les travaux ont été arrêtés en cours de route.

Banderole “Non à la fermeture” accrochée à l’entrée de l’hôpital de Creil. Crédit : Scarlett Bain pour Radio Parleur.

Disparition d’un service public, une population isolée

Une étude de la chercheuse pédiatre Evelyne Combier, publiée en 2013 dans le Journal de gestion et d’économie médicales, détermine que le temps de trajet met en danger les femmes et leur enfant à naître. Par exemple, la fermeture de la maternité du Blanc dans l’Indre oblige les futures mamans sur le point d’accoucher à effectuer un trajet de 50 minutes en moyenne. Dans l’Oise, le déplacement de la maternité à Senlis n’augmente les trajets “que” d’une trentaine de minutes mais ce déménagement touche les populations les plus précaires.

Selon une étude de l’INSEE, 40 % des habitant.e.s de la région de Creil n’avait pas de moyen de transport personnel en 2018. Or, les déplacements entre Creil et Senlis sont très compliqués en transports en commun. Un argument repris par Laurence Rossignol sénatrice socialiste de l’Oise qui interrogeait la Ministre des solidarités et de la Santé Agnès Buzin au sujet de la fermeture de la maternité de Creil. L’arrêt d’un service public contribue comme souvent à creuser les inégalités territoriales et à isoler des populations déjà fragiles.

Mercredi 20 février, le tribunal administratif d’Amiens examine les deux recours déposés par la mairie et la communauté d’agglomération de Creil contre l’arrêté de fermeture de l’établissement et pour abus de pouvoir de la part de l’agence régionale de santé (ARS). La décision de justice est attendue demain en fin de soirée.

Un reportage réalisé par Scarlett Bain