Répression des Gilets Jaunes : des avocats saisissent l’ONU

Un collectif d’avocats de Gilets Jaunes saisissent l’ONU pour dénoncer les entraves juridiques à la liberté de manifester. Une démarche qui vise à mettre le gouvernement face à ses responsabilités. Entretien avec Xavier Sauvignet, l’un des membres du collectif.

Face au mépris des droits les plus élémentaires des manifestants, sept avocats de Paris, Lille et Toulouse qui défendent les Gilets Jaunes, ont décidé de saisir le rapporteur spécialisé de l’ONU en charge de la liberté de manifester. Ils lui ont transmis 34 plaintes individuelles, révélatrices des différentes mesures gouvernementales mises en œuvre pour réprimer le mouvement social. “Nous avons décidé de saisir une instance internationale pour qu’elle rappelle à la France la nécessité de protéger la liberté de manifester. Nous voulons mettre le gouvernement face à ses responsabilités “, explique Xavier Sauvignet, membre de cette équipe juridique. Le gouvernement français dispose de 60 jours pour répondre à ces éléments portés à sa connaissance.

Pour lui, les interpellations sont faites sur “le délit de participation à un groupement en vue de participer à des dégradations. Ce qui constitue un délit d’intention. La façon dont vous êtes habillé dénote d’une intention de vouloir casser ou d’être violent. On est dans Minority Report. On vous attribue une volonté que vous n’avez pas. On nie votre libre arbitre”. Les chiffres sont impressionnants : 8400 interpellations depuis le début du mouvement selon le ministre de l’intérieur, Christophe Castaner. 

Des Gilets Jaunes encombrent les couloirs des tribunaux et les cellules de garde à vue, comme l’a dévoilé le Canard Enchaîné dans son édition du 30 janvier. Les magistrats du parquet de Paris auraient reçu la consigne de maintenir l’inscription des manifestants arrêtés sur le fichier TAJ (traitement des antécédent judiciaires) “même lorsque les faits ne sont pas constitués” ou “ténus”, comme lorsqu’on possède des lunettes de piscine dans son sac. Ils sont également incités à attendre le samedi soir ou le dimanche pour lever les gardes “afin d’éviter que les intéressés grossissent à nouveaux les rangs des fauteurs de troubles”. 

 

Dans un communiqué de presse publié jeudi 14 février, trois experts de l’ONU ont dénoncé “les restrictions imposées aux droits” entraînant “un nombre élevé d’interpellations et de gardes à vue, des fouilles et confiscations de matériel de manifestants, ainsi que des blessures graves causées par un usage disproportionné d’armes dites “non-létales” telles que les grenades et les lanceurs de balles de défense ou flashballs”. Le même jour, le Parlement européen condamne le “recours disproportionné à la force “ contre les manifestants, votant une résolution sur le “droit à manifester pacifiquement et l’usage proportionné de la force”.

Xavier Sauvignet, avocat des Gilets Jaunes. Photo Radio Parleur

La judiciarisation des Gilets Jaunes

Depuis le début du mouvement des Gilets Jaunes, les violences policières, tirs de LBD et autres grenades ont blessé plus de 1700 personnes. En revanche, les violences judiciaires, moins impressionnantes car moins sanguinolentes, font plus rarement la une des médias. Cette violence qui dépouille les Street médics de leur matériel, qui interpelle celles et ceux qui osent se rendre en manifestation avec un masque, un casque et des lunettes de piscine.

Même si les communications de l’ONU et du Parlement européen demeurent non contraignantes, elles ont le mérite de mettre le gouvernement face à ses responsabilités. “Nous attendons une condamnation symbolique. Vont-ils enfin interdire l’usage des LBD qui éborgnent des gens, de la grenade GLIF 4 qui contient du TNT et que nous sommes les seuls en Europe à utiliser ? Quand vont-ils arrêter les interpellations pour grossir les statistiques de garde à vue en disant que les casseurs sont arrêtés, alors qu’il n’en est rien“, poursuit Xavier Sauvignet. Il estime également que cette dérive judiciaire du mouvement des Gilets Jaunes a l’inconvénient de déplacer le débat. “On ne parle plus que de la défense de la liberté de manifester, oubliant quelque peu les revendications initiales qui étaient d’aller vers un mieux. Désormais, on essaie simplement de ne pas avoir un moins. Il ne faut pas penser que le système judiciaire va donner des moyens pour faire advenir des revendications voulues par les Gilets Jaunes. Il faut rester sur le terrain politique“.

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