Drôle de journée pour Mediapart. Après avoir publié des enregistrements sonores inédits et compromettants pour Alexandre Benalla, le site d’information a reçu la visite de deux procureurs ce lundi. Radio Parleur a pu recueillir la première réaction du directeur de publication après l’annonce de la tentative de perquisition.
Il est seulement 11H10 ce lundi 4 février matin, lorsque des invités surprise arrivent Passage Brulon, dans le 12e arrondissement de Paris, devant la porte de la rédaction de Mediapart. Les journalistes se trouvent alors en pleine conférence de rédaction pour préparer le travail de la semaine. “Nous discutions justement longuement des dérives liberticides du pouvoir en place, que ce soit sur le droit de manifester mais aussi sur le droit d’informer” raconte Fabrice Arfi, co-responsable du pôle enquête de Mediapart. Au même instant, plusieurs magistrats et policiers se présentent à l’accueil de la rédaction. “C‘est une perquisition” expliquent les deux procureurs du parquet de Paris.
Edwy Plenel fait des déclarations sur la perquisition actuelle dans les locaux de Mediapart. pic.twitter.com/OqEaohj5C9
— Prisca DC (@PriscaDC) 4 février 2019
Tentative de perquisition : une première pour Mediapart
À quelques kilomètres de là, au Tribunal de Grande Instance de Paris, Edwy Plenel directeur de la publication de Mediapart est appelé à la barre. Il comparaît devant la justice dans le cadre de l’affaire Denis Baupin. Son média est accusé de diffamation et il en est le représentant moral. Alors que son interrogatoire va commencer, il regarde son téléphone, découvre la tentative de perquisition et quitte la salle en toute hâte après son interrogatoire à la barre.
Dans les locaux de Mediapart, les cinq représentants de l’autorité policière et judiciaire souhaitent perquisitionner la rédaction après l’ouverture d’une enquête préliminaire concernant, à première vue, des atteintes à l’intimité de la vie privée d’Alexandre Benalla, et du gendarme Vincent Crase, concerné lui aussi par les dernières révélations du média. Le site d’informations a publié jeudi 31 Janvier des enregistrements d’une conversation entre Alexandre Benalla (ancien chargé de mission à la présidence de la République de 2017 à 2018) et Vincent Crase (ex-employé de La République en marche, et chef d’escadron dans la réserve opérationnelle de la gendarmerie).
Aucune plainte déposée par Benalla et Crase
Problème, après vérification auprès du parquet, aucun de ces deux hommes ne semble avoir porté plainte. Le procureur de Paris, un magistrat soumis à l’autorité hiérarchique du ministère de la justice et pour qui Emmanuel Macron en personne était intervenu lors de sa nomination, aurait ouvert l’enquête préliminaire en l’absence de dépôt de plainte. Il se serait donc auto-saisi, jugeant lui-même de l’atteinte à l’intimité de la vie privée d’une personne dont il refuse pour le moment de préciser l’identité. S’il ne s’agit pas des vies privées d’Alexandre Benalla ni de Vincent Crase, les trois autres personnes mentionnées dans les enregistrements sont Ismaël Emelien, conseiller spécial du Président de la République, l’avocate de Vincent Crase et… Emmanuel Macron.
Conférence de presse en cours dans les locaux de #Mediapart. pic.twitter.com/1xOgLuZwph
— Prisca DC (@PriscaDC) 4 février 2019
De même, la perquisition n’a pas fait l’objet d’un accord par le juge des libertés et de la détention. Pas d’envoi de réquisition ou de prise de contact non plus. Pour Me Tordjman, l’avocat de Mediapart, “ils ont tenté ce lundi” et les journalistes ont eu raison de refuser la perquisition. Le journaliste Fabrice Arfi rappelle lui que “jamais à Mediapart nous n’avons eu de perquisition, même pas dans l’affaire Bettencourt” qui avait fait trembler un Nicolas Sarkozy jusque dans ses salons de l’Élysée. Christophe Deloire, le secrétaire général de Reporters sans Frontières va plus loin et parle d’intimidation. Il ajoute “on est non pas, de la part du procureur, dans l’intention de protéger la vie privée de M. Benalla. On est, de manière évidente, dans une tentative d’atteinte au secret des sources.“
Ce n’est pas la première fois que la rédaction d’un journal est visée par une tentative de perquisition. Le journal Le Monde rappelle notamment que La Cour européenne des droits de l’homme a déjà condamné la France pour non respect de la liberté d’expression après des perquisitions réalisées en 2005 dans les locaux du Point et de l’Equipe et en 2006 à la rédaction du quotidien régional Midi Libre.