Noir.es, blanc.ches, habitant.es de quartiers populaires, artistes, intellectuel.les et militant.es, les marches pour Adama rassemblent largement. Plus de 1000 personnes ont répondu samedi dernier à un nouvel appel de la famille Traoré. Dans leur viseur, les conclusions d’un nouveau rapport d’expertise, qui dédouanent les gendarmes de toute responsabilité dans la mort du jeune homme. Adama Traoré serait mort d’épuisement, après avoir couru 400 mètres en… 18 minutes.
“L’affaire Adama.. où en êtes-vous ?”
Samedi 13 octobre, devant la Gare du Nord, à Paris. Le panneau indicateur des trains sert de toile à l’artiste qui dessine les banderoles du Comité Vérité et Justice pour Adama. Un poing fermé qui surgit dans le paysage urbain. Et ces mots : “Le déni de justice est un appel à la révolte.” L’installation artistique joue son rôle : interpeller le passant. Les t-shirts que portent de nombreux membres du comité permettent aux badauds de se renseigner : “Ah oui, l’affaire Adama, je m’en souviens, où en êtes-vous ?” C’est ainsi que des milliers de personnes se retrouvent et forment le cortège qui se déplace, lentement mais sûrement, de la Gare du Nord à la place de la République.
Assa Traoré est sur tous les fronts. Éloquente devant les médias, guide de la marche, voix infatigable, racontant inlassablement l’histoire de son frère et invitant les représentants des autres luttes à se joindre à la cause. La semaine dernière, un quatrième rapport d’expertise sur les causes de la mort de son frère a été rendu public. Une nouvelle cause de la mort est avancée, qui met à nouveau les policiers hors de cause lors de l’interpellation du jeune homme.
Le nom “Adama” dépasse désormais le combat intime d’une famille
Après deux ans et demi d’existence, le Comité Vérité et Justice pour Adama a su diffuser son message. L’histoire résonne d’abord chez les proches du jeune homme, les habitant.es des quartiers populaires voisins, puis chez les intellectuels de gauche, les étudiants en lutte contre le système de sélection à l’université, les cheminots et les postiers en grève, les militants LGBT, les sans-papiers. Ce qu’Assa Traoré préfère appeler alliance plutôt que convergence est né. Le nom d’Adama dépasse désormais le combat intime d’une famille pour la vérité sur la mort de leur fils, de leur frère.
“Un mouvement social doit partir des vies telles qu’elles sont vécues”
À la veille du 26 mai 2018, Le Monde publie le communiqué de Geoffroy de Lagasnerie et Édouard Louis, philosophes et écrivains. En appelant à rejoindre le Collectif Adama lors de la manifestation du 26 mai, ils souhaitent “reconstruire une gauche puissante, et un mouvement social contemporain.” Pour Geoffroy de Lagasnerie, il faut changer de point de vue et regarder ce qu’il se passe à quelques kilomètres de chez nous. “On doit prendre conscience des privilèges dont on jouit pour combattre le système qui fait de nous des privilégiés et d’autres des persécutés.” Un discours qui peut permettre à la gauche de se rassembler ? Le philosophe y croit.
Un ami d’Adama Traoré appelle les jeunes des quartiers populaires à faire la paix entre eux, à considérer leur véritable ennemi et à s’allier contre lui. En même temps qu’au réveil de leurs corps, Assa Traoré appelle à l’élévation de la voix de ceux qu’Édouard Louis appellerait “les invisibles”.