Les soignant·e·s de l’hôpital Pinel sont regonflé·e·s à bloc. Mardi 25 septembre, à Amiens, le personnel médical de cet hôpital psychiatrique s’est rassemblé devant l’Agence Régionale de la Santé des Hauts-de-France (ARS). Entré dans une guerre d’usure depuis le 15 juin avec sa direction, le collectif « Pinel en Lutte » demandait une table ronde ouverte aux représentants de l’ARS et à la direction de l’hôpital pour discuter de leurs revendications. Ils et elles devront finalement se faufiler jusque dans le bureau du directeur pour parvenir à un échange.
Une table ronde aux places limitées
Chantal, retraitée et ex-sous directrice de l’Agence Régionale de la Santé des Hauts-de-France n’a jamais vu ça. Elle a travaillé des années au service Prévention du suicide, et l’imposante grille qui sépare les bureaux des manifestants n’a quasiment jamais été fermée. Aujourd’hui, elle a repris du service. Un agent de sécurité s’est transformé en portier. À chaque ouverture, un grincement strident accroche les oreilles.
Les médecins et infirmiers non-syndiqués qui avaient été nommés par le collectif pour se joindre à la table ronde resteront finalement dehors. Leur participation est refusée par la direction de l’A.R.S. Pourtant, cette réunion devait permettre aux soignant·e·s grévistes, et à leurs délégué·e·s syndicaux de discuter ensemble. Seuls ces derniers seront admis dans le saint des saints. À 21h, les deux blouses blanches en ressortent, la mine dépitée.
Plus de cent jours devant l’hôpital
Le 15 juin 2018, médecins, personnel hospitalier et familles de patients ont crée le collectif « Pinel en Lutte ». Un campement de fortune a été monté devant l’hôpital pour protester contre la fermeture d’un service et la dégradation des conditions de travail du personnel, ainsi que contre les conséquences de cet état de fait sur l’accueil des malades. Bravant le froid, la fatigue et l’accablement, les grévistes – qui sont assignés au travail – viennent occuper le camp sur leur temps libre et leurs jours de congés.
Psychiatrie, parent pauvre de la médecine
Dans les années 1980, la gestion de la psychiatrie hospitalière publique s’est alignée sur le modèle de l’hôpital général. Pourtant ici, il y a moins besoin de « machines-qui-font-bip » que d’hommes et de femmes formé·e·s à l’écoute et à la parole pour soigner les maux de l’esprit.
L’une des ressources indispensable aux soins psychiatriques est le temps. Or, les troupes se réduisent, éreintées, dégoutées. Chaque membre du personnel de l’hôpital voit son temps disponible pour les patients dévoré par les tâches administratives. Il s’agit de gérer le flux des patients, de libérer des lits au plus vite avant que l’hôpital ne devienne un lieu ou l’on concentre les patient·e·s en attendant de trouver quelques minutes pour s’occuper d’eux.
Un dialogue de sourds
Après trois heures de ce qu’il appelle un « dialogue de sourds », le personnel syndiqué a rejoint les collègues sans bonne nouvelle. Si la CME a insisté sur l’urgence de la situation et le problème de sur-occupation à l’hôpital Pinel, l’ARS et la direction n’y voyaient là que chimère. Selon eux, ni moyens financiers d’urgence, ni plus de titularisations ne sont prévus. Et c’est surtout le mépris exprimé par la direction qui a scié les grévistes.
Dans son communiqué de presse, l’ARS annonce elle « un maintien de l’aide exceptionnelle annuelle de un million d’euros et la création de 20 postes » ainsi que d’autres mesures « inédites » pour répondre aux besoins réels du CHPP. En réponse, le personnel a proposé à Monique Ricomes, directrice générale de l’ARS, de passer une journée à l’hôpital pour prendre conscience des conditions de travail.