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À Paris, dans la fac occupée, la Commune Libre de Tolbiac reste debout


Cette année, le printemps est arrivé accompagné d’un mouvement social pluriel. De nombreux secteurs sont concernés et la bataille fait rage entre grèves, blocages et manifestations. Du côté des universités, c’est d’abord contre la loi ORE mise en place par la ministre de l’Enseignement Supérieur, Frédérique Vidal, que la mobilisation grandit à travers le pays. De nombreuses universités ont déjà voté des blocages en AG. En région parisienne, plusieurs facs sont concernées mais c’est à Tolbiac que l’action s’est initiée, le 26 mars, et où elle perdure depuis. Avec Radio Parleur, explorez la Commune Libre de Tolbiac.

Banderole à l’entrée de l’université Tolbiac occupée en Avril 2018. Photographie : créative common

Le 6 Avril dernier, la soirée est bien avancée, les occupant·e·s de Tolbiac, bâtiment appartenant à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, sont dérangé·e·s par la venue d’une vingtaine de personnes, casques noirs sur la tête, banderole et fumigènes à la main. Pendant une dizaine de minutes, ils lancent des projectiles sur les étudiant·e·s qui occupent l’université depuis deux semaines. Cette attaque fait suite à celle, très violente, de la nuit du 22 mars à la fac de droit occupée à Montpellier. Elle est, elle aussi, imputée à l’extrême-droite. A Paris, les assaillants étaient par ailleurs accompagnés par Léopold Jimmy, un vidéaste indépendant présent dans de nombreuses manifestations et diffusant sur la chaine YouTube LDC News. Cet ancien candidat pour le Front National aux élections cantonales de 2013 et régionales de 2010 a filmé et publié une vidéo de l’action qui confirme la thèse d’une attaque de militant·e·s proches des milieux de la droite extrême. 

Le soir-même, Georges Haddad, président de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, se rend à Tolbiac pour certifier aux occupant·e·s : “Non, il n’y aura pas d’intervention policière”. Son intervention est longuement applaudie mais, un communiqué de la présidence envoyé ce mercredi 11 avril à la communauté universitaire précise que Georges Haddad “a demandé au préfet de police son concours pour rétablir le fonctionnement habituel du centre”. La Préfecture de police ne tarde pas à répondre. Le président de l’Université Paris 1 lui a effectivement adressé une lettre lundi mais elle n’a pas “donné suite” et “n’a reçu aucune nouvelle demande depuis”.

Une “alerte expulsion” est tout de même lancée par les occupant·e·s, afin d’appeler de nombreux soutiens à les rejoindre. Jeudi 12 avril, la dalle de Tolbiac se remplit d’une foule humaine venue répondre à l’appel. Etudiant·e·s, cheminot·e·s et postier·e·s en lutte s’échangent la parole au mégaphone devant l’assemblée réunie sous le soleil.

Jeudi soir, alors que la Sorbonne se faisait expulser par la police après une courte occupation de huit heures, la police a profité de ce moment d’affaiblissement des forces numériques sur le campus de Tolbiac pour tenter une intervention. En une heure, c’est un millier de personnes qui se sont retrouvées devant les grilles de l’université pour protester contre l’intervention. Les fonctionnaires de police sont repartis, et l’occupation tient toujours. “On a réussi à renverser le rapport de force” estime Tomek, étudiant à l’université et membre de la France Insoumise “maintenant, si Tolbiac est expulsée, le gouvernement se met encore plus à dos toutes les organisations progressistes de ce pays”.

Fac occupée, mais fac ouverte

Dans la fac, la vie continue. “Une fac bloquée n’est pas une fac morte, c’est tout le contraire” affirme Cloé, étudiante en L2 d’histoire à l’université Paris-1.  Les occupant·e·s ont eu l’idée de contrer la “loi sur la sélection” en faisant de la fac un lieu libre, vivant et ouvert à tous et toutes. C’est de cette initiative qu’est née la Commune libre de Tolbiac. Depuis deux semaines, la faculté reste active : des assemblées générales sont organisées, des soirées, des débats et de nombreux ateliers. Chacun et chacune est libre de présenter un atelier et de l’inscrire au planning affiché à l’entrée du bâtiment, au rez-de-chaussée. Ainsi, des films sont projetés, des professeur·e·s et doctorant·e·s proposent des cours alternatifs. Des conférences ou débats ont lieu avec différent·e·s intervenant·e·s comme Assa Traoré le 9 avril, ou encore Bernard Friot et Fréderic Lordon le 3 avril.

L’occupation est organisée en commissions pour le ménage et la cuisine. Chaque personne fait sa vaisselle dans des bacs d’eau installés à cet usage près de la cafeteria, transformée en réserve et cuisine. Des poubelles de tri sélectif sont également disposées contre un mur. Les amphis accueillent les ateliers ou assemblées générales le jour, et deviennent des dortoirs la nuit.

Le soir, occupant·e·s et soutiens discutent ensemble dans le bâtiment ou dehors. De la musique est souvent lancée sur les enceintes dès que le soleil commence à se coucher : étudiant·e·s, professeur·e·s et vigiles dansent ou chantent ensemble sur la dalle. Invité, le 3 Avril dernier, par la Commune Libre de Tolbiac à venir s’exprimer devant les étudiant·e·s dans un débat avec le sociologue Bernard Friot, l’économiste et philosophe Frédéric Lordon a longuement salué l’organisation de la Commune Libre de Tolbiac avant d’estimer “que le moment est propice pour un mouvement“. Et lorsqu’en conclusion des deux heures d’échanges un étudiant lui a demandé “Peut-on avoir un espoir pour la suite ?“, il n’a eu qu’une seule réponse, longuement applaudie, “Oui !”

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