Depuis plus d’une semaine, des exilés et leurs soutiens occupent plusieurs salles de l’université Paris 8 à Saint-Denis. Une ruche très organisée qui accueille des gens épuisés par les épreuves qu’ils ont dû traverser avant d’arriver jusqu’ici, et qui réclament un toit et des papiers.
Cela fait plus d’une semaine que des dizaines d’exilés.es et leurs soutiens occupent plusieurs salles de l’université Paris 8, à Saint-Denis. Ils se sont installés dans le bâtiment A, au sein de la faculté d’art avec laquelle ils sont en contact pour tenter d’organiser la cohabitation. Car cette occupation est loin de réjouir la direction de l’université. Dans un communiqué, elle a indiqué avoir fait plusieurs propositions pour “répondre à la détresse des migrants” et regrette que les solutions aient été refusées “par leurs soutiens.”
Dans un mail interne, la présidence explique : “Soit le collectif comprend notre démarche sincère, qui répond aux attentes formulées par notre communauté, et il accepte d’exprimer des demandes claires et donc d’engager un véritable dialogue, soit il s’enferme dans une situation sans issue qui sera dommageable à nous toutes et tous, personnels, étudiant.e.s, migrant.e.s.”.
“Pourquoi toujours à Paris 8 ?” se demande la Présidence de la fac
Le dialogue est pourtant de mise du côté des soutiens : étudiant.es, professeur.res, en grande majorité de Paris 8 comme l’explique Titi (prénom d’emprunt) : “La présidence soutient l’initiative de loger des migrants dans les facs mais elle a une pression de certains professeurs et de la Préfecture. On nous dit “pourquoi c’est toujours à Paris 8 que ça se passe ?” Pourquoi vous ne le faites pas à Science Po ou l’ENS ? On leur répond que cela va venir”. Pour Larynx (prénom d’emprunt) Paris 8 devrait plutôt s’enorgueillir de la situation. “Ils devraient être contents que les étudiants s’engagent de la sorte et ne soient pas que des consommateurs de diplômes”, s’exclame-t-il.
S’organiser et se faire entendre dans les médias
En attendant, dans les locaux occupés, la logistique impressionne, prouvant la détermination des étudiants et leur volonté d’être pris au sérieux par l’université dans leur capacité à gérer cette occupation. “Avec une bonne organisation, il est tout à fait possible d’envisager de manière durable l’accueil des exilé.e.s. La présidence nous dit qu’on empêche des cours mais c’est faux : il y a tout le temps des salles de libres, on peut faire co-exister l’accueil et les cours.“ Pour faire entendre leurs voix, les soutiens ont lancé un pôle communication qui a réussi à se faire entendre dans les médias, notamment via ses comptes Facebook et Twitter particulièrement actifs.
Des consignes pour parler à la presse
Plusieurs consignes encadrent les prises de parole avec la presse : ne jamais être seul, ne pas parler en son nom ou celui de son collectif (dont les noms ne sont d’ailleurs pas révélés par les étudiants) et encourager les médias à interroger les principaux concernés : les exilés.es. Rim (prénom d’emprunt) est étudiante à l’EHESS et vient ici pour aider à traduire du Français vers l’Arabe. Elle nous guide dans les salles à l’étage qui servent de dortoirs, à la rencontre de ceux qui accepteraient de nous parler. Il n’y a que des hommes, la plupart assez jeunes. L’un d’entre eux nous livre timidement son témoignage. Il semble épuisé. Rim pousse ensuite la porte d’une salle servant de chambre, où plusieurs personnes discutent autour de matelas gonflables et de tas de couvertures. Elle essaie de les convaincre de se livrer à notre micro. Sans succès. “Il me dit qu’il a l’impression que tous ces journalistes qui veulent les photographier et écrire des choses sur leur histoire le font sur leur dos. Sans qu’eux-mêmes n’en tirent rien”, explique t-elle.
Une histoire connue, celle des routes de l’exil
Assez bouleversées par cet échange, nous n’insistons pas. Ces hommes sont lassés de servir de chair à médias. De susciter l’émotion et l’empathie, parfois seulement pour faire du clic. De répondre tous les jours aux mêmes questions. Las et épuisés de sans cesse raconter leur histoire désormais tristement connue. Celle des routes de l’exil, d’un parcours semé d’embûches pour traverser la Méditerranée, fuir la guerre, la famine, les persécutions, avant d’atterrir sur les trottoirs de Paris.
Dehors, les flocons continuent à tomber. Certains improvisent une bataille de boule de neiges. D’autres se réchauffent dans la cuisine autour d’un thé. Ils n’ont pas de papiers, très peu d’espoirs, mais auront au moins un toit pour les prochains jours. Une consolation qui peut paraître dérisoire, mais qui dans leur cas est déjà une victoire.