Criminalisation des luttes : “On entend bien mater l’envie de se rebeller”

Comme cinq autres personnes, Cyril, acteur de la compagnie de théâtre Jolie Môme, est mis en examen pour dégradation d’un volet roulant. Des faits qui se seraient déroulés pendant l’occupation des locaux du MEDEF par des intermittents le 7 Juin 2016. Cyril n’est pas le premier, et sans doute pas le dernier militant à passer devant la justice pour des actes commis pendant la mobilisation contre la Loi Travail. Il y a Loic, Adil, Gildo … Tous vont passer en procès au cours des prochains mois.

Cyril, comédien membre de la compagnie Jolie Môme. Photographie : Flora Carpentier

“Ça a presque trop bien marché,” sourit Cyril. “C’était juste après l’heure du repas, ils devaient être en train de digérer ! ” Un silence, puis ce rire caractéristique qui ponctue les phrases de ce grand maigre aux longs cheveux bouclés. Comédien, cela fait plus de 10 ans qu’il joue au sein de la compagnie Jolie Môme.

Pour Radio Parleur, Cyril rembobine. Retour au 7 Juin 2016, le printemps est ensoleillé, Nuit Debout occupe la place de la République, la contestation contre la Loi Travail bat son plein, et les intermittents défendent leur régime d’indemnisation. C’est dans ce contexte qu’une centaine d’entre eux occupent tout un après midi les locaux parisiens du MEDEF, le syndicat des patrons. Ils s’installent dans le hall d’entrée et déploient une banderole au premier étage avant d’être évacuée par la police trois heures plus tard. Ce jour-là, les manifestants, venus à l’appel de la Coordination des intermittents et précaires, protestent contre le projet de loi travail et demande l’application de l’accord Unedic pour les intermittents.

“Une action pacifique”

“Une action pacifique,” estiment les intermittents. Un avis que ne partage pas le MEDEF. Le chef de la sécurité du bâtiment accuse Loic, un autre membre de la compagnie Jolie Môme de l’avoir frappé. Pour les occupants, ce serait plutôt le contraire. Loic aurait pris un violent coup de pied dans les testicules. Pour cet autre militant, un procès est d’ores et déjà programmé pour le 8 Décembre. Cette affaire, elle passera, pour la première fois, devant la justice jeudi prochain. Mais Jolie Môme et ses avocats demandent à ce que le procès soit reporté. “Pas d’instruction entamée, pas d’accès aux bandes de vidéosurveillance qui l’auraient  innocenté, pas d’audition des témoins. Six mois après les faits, seule la plainte qui accusait Loïc est instruite !” dénonce un communiqué de la compagnie.

Dégradation de biens privés commis en réunion… pour un volet en métal

Cyril se mobilise régulièrement pour défendre le statut des intermittents. Mais ce mardi 7 Juin 2016, c’est la première fois qu’il participe à une occupation non violente. Comme les autres militants, il pénètre dans le bâtiment et voit la sécurité qui entreprend d’abaisser un volet métallique pour leur bloquer l’accès au hall d’entrée. Trop tard, plusieurs manifestants les en empêchent, les occupants s’introduisent dans les locaux, et l’action peut commencer.

C’est ce geste qui est reproché à Cyril et aux cinq autres inculpés. Le MEDEF à porté plainte pour ”dégradation de biens privés commis en réunion,” ce qui leur a valu d’être convoqués tous les cinq par la police. Cinq hommes et une femme,  âgé-e-s de 18 à 49 ans, ont passé vingt-quatre heures en garde à vue le 8 novembre, avant d’être présentées au parquet de Paris le lendemain.

Jolie Môme dénonce un acharnement du MEDEF, qui s’est engagé dans deux “procès politiques” contre ses membres : le procès de Cyril le 10 février, et celui de Loïc qui sera très probablement renvoyé à l’année prochaine. Pour la compagnie, c’est une stratégie bien mesquine, consistant à la ruiner avec des frais de justice qui seront difficile à assumer, malgré “pas mal de dons qui vont nous aider à payer tout ça.”. “Plusieurs milliers d’euros ont déjà été engagés, explique Loïc. Pour mon procès [il est accusé d’avoir frappé le directeur de la sécurité du MEDEF] le parquet a refusé d’instruire ma plainte. Du coup, je suis obligé de me porter partie civile pour qu’il y ait une enquête sur ces faits là … et c’est à ma charge ! chaque témoin qui sera cité à comparaître, cela va nous coûter ente 300 et 400 euros.”

Enlever l’envie de se rebeller

Depuis la fin du mouvement contre la loi travail, Cyril n’est pas le premier à avoir affaire à la justice. Au mois de septembre, Radio Parleur vous faisait vivre l’audience de Maxime.G condamné pour “rébellion en réunion” durant l’une des nombreuses manifestations du printemps. Cyril ne sera pas non plus le dernier. Des postiers syndiqués comme Adil ou Gaël, des manifestants comme Gildo ou les dix-huit salariés de Goodyear, qui verront le verdict de leur procès pour la séquestration de leur dirigeants tomber le 11 janvier, tous vont passer devant la justice et dénoncent une ” répression judiciaire” de leurs mobilisation politique. Pour Cyril, il y a dans ces procès quelque chose de profondément politique.

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