Dans ce troisième épisode de notre série, Radio Parleur s’intéresse aux principaux bénéficiaires de la loi sur le secret des affaires : les entreprises. Nous avons rencontré Jean-Pierre Vuillerme, Sénior Vice-Président de l’Agence pour la diffusion de l’information technologique (Adit) et ancien Directeur de la Sécurité au sein du groupe Michelin.

Jean-Pierre Vuillerme est l’actuel Senior Vice-Président de l’Adit, une société d’intelligence économique créer par l’Etat. Avant cette fonction, il a effectué une carrière de près de 13 années au sein du groupe Michelin : d’abord Directeur de la Communication, puis en charge de la Direction des Affaires publiques – plus couramment appelée lobbying – avant de finir son parcours au poste stratégique de Directeur de la Sécurité.

Au cours de sa carrière, Jean-Pierre Vuillerme a eu affaire à un vol de données stratégiques par un salarié dans le but de les revendre au concurrent japonais du groupe Michelin : Bridgeston. Alerté par le fabricant de pneu nippon, le Directeur de la Sécurité a alors mené l’enquête au sein du groupe. Après avoir identifié Marwan Arbach comme étant à l’origine de cette proposition illégale et s’être tourné vers les services secrets français, un combat judiciaire commence. C’est à ce moment-là que Jean-Pierre Vuillerme s’aperçoit qu’il n’existe aucune loi en la matière pour protéger les entreprises françaises lorsque ces informations volées ne portent pas atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation.

« La France est pillée »

Un constat s’impose alors : une urgence à réagir face à ce vide juridique pour protéger les entreprises françaises de la féroce concurrence mondiale. Un objectif qui se révèle quelques années plus tard être une arme de dissuasion de plus aux mains des grandes entreprises pour lutter contre la divulgation de leurs informations.

Après avoir participé à l’élaboration de la loi sur le secret des affaires initialement présente dans la Loi Macron II, mais finalement abandonnée par le gouvernement Valls. Il observe les leçons de cet échec :« un manque de pédagogie » qui a poussé les médias, les associations et une partie de l’opposition à voir dans ce texte une atteinte à la protection des sources. Habitué des « affaires publiques », il intervient à Bruxelles pour que soit adoptée la directive sur le secret des affaires. En France, il suit de près son évolution et se réjouit de l’adoption récente du texte.

Face aux inquiétudes des journalistes : « la noblesse des juges »

Malgré les nombreuses critiques émanant d’ONG, de journalistes, de syndicats et de lanceurs d’alertes à propos des dangers que comporte la loi, Jean-Pierre Vuillerme se montre confiant. Il croit « en la noblesse des juges » et est persuadé que ces derniers sauront « faire la part des choses ».

Les « procès-bâillons », il comprend … Mais pour cet ex-directeur de la sécurité, l’urgence d’une telle loi dans le monde de l’entreprise saurait à elle seule justifier que certains abusent de ces procédures pour tenter de faire taire ceux qui nuisent à leurs affaires.