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50ème Cérémonie des César : les membres de l’Académie accusés de VSS verront leur droit de vote suspendu

Un mois avant la 50e Cérémonie des César, les organisateur·ices ont renforcé leurs règles de lutte contre les violences sexistes et sexuelles. Tout membre de l’Académie qui serait mis en cause par la justice verra désormais son droit de vote suspendu.

Ce jeudi 24 janvier, un mois avant la 50e Cérémonie des César, les organisateur·ices ont annoncé vouloir renforcer leurs règles de lutte contre les violences sexistes et sexuelles (VSS), en suspendant le droit de vote de tout membre de l’Académie qui serait mis en cause par la justice.

Il y a 5 ans se déroulait le sacre de Roman Polanski. Depuis, l’Académie tente de renouveler ses instances et ses membres. Son  objectif est de mieux représenter la diversité du cinéma français et prendre en compte les questions de VSS. “En cas de mise en cause judiciaire d’un membre pour des faits de violence, notamment à caractère sexiste ou sexuel, le bureau de l’Académie constatera la suspension du droit de vote du membre jusqu’à l’issue de la procédure en cours, ou son exclusion jusqu’au complet accomplissement de la peine, en cas de condamnation définitive“, a-t-elle déclaré.

Ce n’est pas le premier pas en la matière puisqu’il y a deux ans, les César avaient déjà annoncé que « Toute personne mise en cause par la justice dans ce genre d’affaires ne serait plus “mise en lumière” lors de la cérémonie. » Un an après, cette décision avait été étendue à l’ensemble des événements qu’iels organisent.

« Ce sont des choses qui ont déjà été faites par le passé mais qui sont désormais rentrées dans les statuts et cela va pouvoir être mis en application en amont, là où Polanski ou d’autres personnes n’ont été radié·es qu’après les cérémonies », nous explique Théo Leroyer, administrateur du collectif 50/50, un collectif luttant pour l’égalité et l’inclusion dans le cinéma et l’audiovisuel.

Une cérémonie toujours marquée par le manque de diversité

Pour cette 50ème édition, le manque de parité reste frappant. On retrouve ainsi 31 femmes pouvant prétendre à une récompense, contre 81 hommes, soit moins de 30%. Aucune femme par ailleurs n’est en lice pour le prix de la meilleure réalisation.

Le résultat des votes souffre également d’un cruel manque de diversité dans la catégorie du meilleur film. Il comporte en effet 5 longs-métrages réalisés par des hommes perçus comme blancs et produits quasi exclusivement par des hommes perçus comme blancs (1 productrice pour 8 homologues masculins). De plus, dans 8 catégories sur 14 – soit 57% des nominations – le nombre de femmes nommées est inférieur au pourcentage de femmes présentes dans la profession, selon un rapport chiffré du collectif 50/50.

Les femmes restent ainsi très invisibilisées dans la majorité des sélections. Elles sont en majorité représentées, à hauteur de 75% cette année, dans des catégories comme les Courts Métrages. Une catégorie à faible budget, qui fait aussi partie des moins médiatisées. Entre 2020 et 2023, seulement 27% des femmes ont été nommées. Elles étaient 60% en 2024.

Une autre question subsiste, celle du César d’honneur. Il s’agit du seul prix non soumis au vote. Pour celui-ci, c’est le bureau qui se réunit et décide d’honorer une personne en particulier. Cette année, il s’agit de Julia Roberts et Costa Gavras. « On retombe dans le stéréotype du réalisateur de 90 ans et de la comédienne plus jeune. Quand on regarde les chiffres, il n’y a que deux femmes réalisatrices qui ont eu un César d’honneur, là où il y a beaucoup plus de comédiennes. Il y a des biais que nous n’avons pas pu chiffrer mais auxquels nous serons attentifs pour les prochaines années. Le César d’honneur, c’est un endroit qui peut, lui aussi, être investi pour mettre en avant ces questions que l’Académie a envie de porter. »

Une avancée en demi-teinte qui questionne

Cette suspension peut aller jusqu’à l’exclusion en cas de peine. Une personne aujourd’hui mise en cause ne pourra plus être invitée par l’Académie. En revanche, elle pourra en toujours recevoir un prix.

« Cette mesure pour nous est un pas de plus, mais nous voudrions que cela continue sur cette voie et que l’Académie arrive à imaginer d’autres solutions pour, peut-être à terme, arriver à ce que ces personnes ne soient plus éligibles », souligne Théo.

Par ailleurs, cette 50ème Cérémonie sera marquée par la présidence de Catherine Deneuve. Un choix de l’Académie des César qui peut étonner quant à leur volonté de voir disparaître les VSS dans le milieu du cinéma.

En effet, en décembre 2023, avant de se rétracter, Catherine Deneuve avait envisagé signer la tribune “N’effacez pas Depardieu”. Une tribune en guise de soutien à l’acteur, visé par de multiples accusations de viols et d’agressions sexuelles. « Ce choix est symptomatique de la ligne de crête sur laquelle sont les César. À la fois, il y a cette volonté de changement, de montrer que ces questions sont un problème systémique dans le milieu du cinéma, et en même temps une volonté d’honorer le monde du cinéma d’avant, qui a toute son ambivalence et ses figures qui ont pu avoir des propos problématiques », nous confie l’administrateur du collectif 50/50.

L’actrice s’était également exprimée en 2018, dans le sillage du mouvement #MeToo et de la libération de la parole sur les VSS. Elle avait ainsi déclaré dans une tribune du journal Le Monde vouloir défendre « une liberté d’importuner, indispensable à la liberté sexuelle ».

« Ce choix n’est pas le plus judicieux mais on a rien contre Deneuve et le fait qu’elle soit présidente. Ça reste un titre honorifique et du parrainage plus qu’autre chose », ajoute-t-il.

Créer de nouvelles catégories pour un nouveau regard

De nombreuses avancées restent à faire et l’idée de créer de nouvelles catégories, mise en avant par des associations, se dessine. Beaucoup de corps de métiers ne sont aujourd’hui pas représentés : coiffeur·se, maquilleur·se, directeur·ice de casting… L’idée de “dégenrer” les prix est aussi envisagée.

Pour Théo : “Si on continue cette question de lutte contre les VSS, sortir d’une logique binaire de prix d’interprétations genrés apporterait une nouvelle manière de regarder les films”. Ce sont des avancées et un travail qui s’avèrent être de longue haleine.  “Si demain, l’Académie décide de dégenrer les prix d’interprétations, il faut un accompagnement des votant·es sur l’année, estime Théo. S’il n’y a pas ce travail à l’année, il y a un risque qu’on ne se retrouve qu’avec des hommes. La 50ème Cérémonie paraît le moment idéal pour faire un bilan. Nous espérons qu’iels proposeront de nouveaux prix et de nouvelles manières de réfléchir. »

Si pour la lutte contre les VSS et pour plus d’inclusion, des efforts sont notables, il reste, pour l’Académie des César encore un long chemin à parcourir.

Salomé Lepretre

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