Le réalisateur Christophe Ruggia a été condamné à 4 ans de prison, dont 2 ans ferme, pour avoir agressé l’actrice Adèle Haenel. Cette affaire qui avait débuté il y a 5 ans avait ouvert la voie au #MeToo du cinéma français.
En 2019, Adèle Haenel accusait dans Médiapart Christophe Ruggia d’agressions sexuelles. Celles-ci ont eu lieu alors que l’actrice, âgée de 12 ans, débutait au cinéma dans le film “Les Diables” en 2001.
Adèle Haenel avait à l’époque le rôle principal de ce film, qui racontait une histoire de fugue perpétuelle d’un frère et d’une sœur tournant à l’inceste. Des scènes de sexe entre les enfants, de longs gros plans sur le corps nu d’Adèle Haenel… Sur le plateau, plusieurs adultes avaient témoigné d’un «malaise» face au comportement «déplacé» du réalisateur, alors âgé de 36 ans, avec Adèle Haenel.
Forcée de se rendre au domicile du réalisateur chaque samedi après-midi, Adèle Haenel a rapporté 120 rendez-vous étalés sur deux ans. Des rendez-vous où il s’asseyait auprès d’elle sur le canapé, la complimentait sur son travail de comédienne, tout en ayant des gestes déplacés. “C’est vraiment trop mignon ce que tu fais ma puce”, ou encore “Ah, t’es vraiment trop drôle”, lui lançait le réalisateur tout en glissant sa main sous le tee-shirt de la jeune fille, ou même dans son pantalon, raconte Adèle Haenel.
“Mais, ferme ta gueule!”
Le procès s’était déroulé les 9 et 10 décembre dernier. Pour ce procès, une peine de 5 ans prison, dont 2 ans ferme aménagés sous bracelet électronique, avait alors été requise contre l’accusé. Pendant ce procès, Christophe Ruggia prétendait avoir “tenté de la protéger lors de ses débuts dans le cinéma”. Des propos insoutenables, faisant bondir Adèle Haenel. Elle s’était alors soudainement levée, tapant ses mains à plat sur la table devant elle, avant de crier : « Mais, ferme ta gueule ! », puis de quitter la salle. Son départ de la salle d’audience rappelle celui de la cérémonie des César, en 2020, après la nomination de Roman Polanski. L’actrice est ensuite revenue dans la salle d’audience, après une demi-heure pour prendre place au bout du banc des parties civiles.
Christophe Ruggia l’avait accusé de « pur mensonge », évoquant un « #MeToo français » qui serait « tombé » sur lui, et déclarant qu’elle avait voulu se « venger » car il ne l’avait pas refait jouer après Les Diables. Une défense qualifiée d’absurde et balayée par la procureure Camille Ploch.
Une indemnisation de 15 000 euros
La peine s’est révélée être allégée puisque Christophe Ruggia a finalement été condamné à 4 ans de prison, dont 2 fermes pour avoir, selon le verdict de la justice, “imposé” des “gestes et comportements sexualisés” à Adèle Haenel alors qu’elle était encore mineure. Il l’avait également “isolée de son entourage”. Il effectuera par ailleurs ces deux années, aménagées à domicile, avec le port d’un bracelet électronique. Le réalisateur a contesté jusqu’au bout avoir agressé Adèle Haenel.
Le tribunal a aussi condamné le réalisateur à indemniser l’actrice de 15 000 euros pour son préjudice moral, contre 30 000 réclamés par ses avocats, et 20 000 euros pour ses années de suivi psychologique, contre 31 000 euros alors demandés lors du procès.
Les avocates, qui ont qualifié cette condamnation d’”injustifiée” et “dangereuse” ont annoncé, à l’issue de l’audience, qu’il allait faire appel. Lors de sa sortie de la salle d’audience, Adèle Haenel a été chaleureusement applaudie, des cris de joie et des “bravos” se sont fait entendre.
Salomé Lepretre