Derrière la joie, l’inquiétude d’une réhabilitation du patriarche. Si le diable s’est éteint, ses idées, elles, sont éternelles. Le co-fondateur du Front national, xénophobe, tortionnaire et antisémite est mort ce mardi 7 janvier 2025 à 96 ans. Celui qui a légué son parti à sa fille clôture 60 ans d’une carrière politique fondée sur la haine, laissant derrière lui un héritage maculé d’un nationalisme extrême. Pour célébrer cette disparition, de nombreux rassemblements ont eu lieu en France.
Dans plusieurs villes de France, des centaines de personnes étaient réunies pour célébrer la mort de Jean-Marie Le Pen ce 7 janvier. Radio Parleur s’est rendu place de la République à Paris, au coeur du rassemblement. “Nous sommes tous⸱tes très heureux. A 96 ans, il était temps”, nous a confié Emma, étudiante de 24 ans. Ces rassemblements sont là pour éviter une réhabilitation de Jean-Marie Le Pen, rappelle Gabriel, 48 ans. “Il faut se souvenir de qui était Jean-Marie Le Pen : un néo-nazi, raciste, et un criminel de guerre.”
Derrière la joie, l’inquiétude rôde
Sur la place de la République, des feux d’artifices et des slogans antifascistes. Une joie immense était perceptible. Pourtant, derrière cette exaltation, une inquiétude pointe : la dédiabolisation du parti. “Maintenant que le démon est mort, il ne reste plus que le petit ange qui élève des chats” ironise Jonathan, 32 ans. Paula, elle, se demande l’image que le Rassemblement national aura par la suite : “ C’était le dernier que les gens, globalement, n’aimaient pas du tout“.
Beaucoup craignent que cette mort fasse table rase du FN. Selon Maxime, 20 ans, “le RN va pouvoir se servir de cette mort pour renouveler leur image. Ils pourront se vanter d’être totalement détaché du parti politique qu’incarnait Jean-Marie Le Pen“.
Quand la classe politique transforme le diable en homme respectable
Si de nombreux médias ont dépeint une “figure emblématique du paysage politique“, beaucoup ont omis ses multiples condamnations pénales, pour incitation à la haine raciale, à l’antisémitisme ou encore ses propos racistes et homophobes envers les immigrés et la communauté LGBTQIA+.
L’Élysée a réagi en saluant une “figure historique de l’extrême droite” dont le “rôle dans la vie publique de notre pays pendant près de soixante-dix ans relève désormais du jugement de l’histoire“. Côté gauche, Jean-Luc Mélenchon veut s’inscrire dans la continuité du combat contre l’extrême droite que martèlent les personnes rassemblées le soir de sa mort. “Le combat contre l’homme est fini. Celui contre la haine, le racisme, l’islamophobie et l’antisémitisme qu’il a répandus, continue.“
Une disparition qui divise
Les rassemblements célébrant sa mort n’ont pas manqué de faire réagir la classe politique et beaucoup se sont indignés. Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur a commenté sur X, “Rien, absolument rien ne justifie qu’on danse sur un cadavre. La mort d’un homme, fût-il un adversaire politique, ne devrait inspirer que de la retenue et de la dignité. Ces scènes de liesse sont tout simplement honteuses”. Place de la République, on renvoyait la honte à l’envoyeur, en direction des marchands de racisme et de haine qui poursuivent aujourd’hui “l’œuvre” de Jean-Marie Le Pen.
Salomé Lepretre