Depuis le 26 novembre, le DAL (Droit au Logement) a posé son campement au pied du ministère du Logement et de la Rénovation urbaine, sous les bureaux de la nouvelle ministre éphémère Valérie Létard, nommée par le gouvernement Barnier aujourd’hui démissionnaire. Les banderoles jaunes aux couleurs du collectif interpellent au loin : « 1 toit = 1 droit ». Au milieu, sont installés des barrières vauban, des tentes rouges et des barnums, mais surtout, une assemblée est en cours. Le 1er décembre, un après-midi de débat sur le logement y est organisé.
Avec son nouveau campement installé avenue Ségur, le DAL (Droit au Logement), créé en 1990, est loin d’en être à son premier coup. Tant que l’application de la loi concernant le logement n’est pas respectée, les revendications de la fédération restent les mêmes : l’accès au logement inconditionnel pour tous·tes, la construction d’HLM, l’application de la loi de réquisition et du DALO. Le DALO c’est le Droit au Logement Opposable. Un droit censé protéger les locataires les plus précaires. Il est défini selon un certain nombres de critères comme un habitat non adapté à un handicap, l’indécence ou l’insalubrité d’un logement, l’expulsion sans relogement, ou la rue. Le DALO permet d’obtenir de l’État la priorité pour accélérer sa demande de logement. Cette priorité est ensuite gérée par la préfecture qui dispose de six mois pour reloger les demandeur·ses. « Dans les faits, en six ans de DAL, j’en ai jamais vu un·e seul·e qui ait été relogé·e dans les temps donnés par la préfecture », souligne Fanny, animatrice au DAL. L’association accueille pourtant beaucoup de gens qui entrent dans les critères cités pour faire des demande de DALO. En 2023, le Haut Comité pour le Droit au Logement publiait que 109 546 ménages avaient déposé un recours DALO durant l’année. Parmi ces derniers, 33,8 % avaient obtenu une décision favorable suite à leur dépôt de recours. Ce bilan notait que depuis 2008, seuls 281 610 ménages avaient pu être relogés, parmi un total de 1 350 859 recours. Le DAL attribue à l’année 2024 le bilan de 21.500 locataires expulsé·es par les forces de l’ordre et environ 130 000 locataires ayant reçu des jugements d’expulsion.
Un après-midi débat
Ce campement, ce sont les adhérent·es du DAL qui le font vivre, iels sont tous·tes reconnu·es prioritaires DALO, en attente ou en recours, et venu·es au pied du ministère pour négocier leurs relogements. « Le DAL a la spécificité d’être tenace et pugnace ! » plaisante Fanny. Les adhérent·s du DAL, les DALOs, soutiens présents, s’emparent du mégaphone les une·s après les autres. Entre les prises de paroles, des slogans sont scandés au nez de la ministre « Letard, Letard, descends sur le trottoir, on n’est pas des cafards ! ». C’est aujourd’hui l’occasion de parler de la situation du logement en France, certain·es en sont à plusieurs dépôts de DALO, sans logement, d’autres en attente de logement. Une femme prend le micro : « Ça fait trois ans que je suis au DAL, j’ai deux enfants (…). Malgré une procédure d’expulsion, je n’ai toujours pas été relogée. J’en suis à mon troisième DALO, et là je vais faire un recours administratif ». Elle raconte qu’après un impayé de son loyer qui avait augmenté, et la perte de son emploi, elle ne pouvait plus régler son bailleur. Actuellement, elle attend son recours. Grâce au DAL, de nombreuses familles peuvent se mettre en lien, s’unir et se sortir de l’isolement. La nuit, elles dorment sur le campement avec les organisateur·ices du DAL en roulement. Ce type d’action permet de visibiliser la lutte, mais aussi de créer des espaces pour appuyer l’importance de créer du lien entre les collectifs et les associations mobilisés pour le droit à un hébergement digne. L’association veut faire du logement une question centrale et collective dans les luttes. « On aimerait bien aussi que les syndicats portent la question du logement en première ligne de leurs revendications » rappelle Fanny.
Au ministère de la propriété et du délogement
Le ministère du logement est récent, passé de sous-ministère à ministère. Sa politique actuelle, les militant·e·s du DAL l’affirment, n’est pas celle de la protection par le logement, mais bien celle de la protection de la propriété. « Le droit de propriété ? De quoi est-on tous·tes propriétaires ? De son corps ! Alors la première chose que l’État devrait protéger, s’il protège le droit de propriété, c’est le corps de chacun et de chacune ! C’est sa vie. Il doit protéger la vie des personnes avant de protéger la vie des trucs qui ne bougent pas. Donc on demande au gouvernement de commencer par protéger la vie des gens qui sont dans la rue, de celleux qui sont dans des taudis et celleux qui devraient être protégé·es en vertu de la loi DALO. » lance Jean-Baptise, animateur du DAL, mégaphone en main. Avec la loi Kasbarian-Bergé, votée à l’été 2023, dite « loi-anti squat », qui précarise davantage les locataires, le gouvernement choisit de protéger la propriété, celle des particuliers et des institutions. Le ministère valorise le profit sur les loyers au mépris du besoin vital de se loger, contraignant des vies à l’errance de la rue comme au danger de l’insalubrité ou de la malveillance des marchand·es de sommeil. Pourtant l’association rappelle les chiffres de l’INSEE indiquant qu’à Paris, ce ne sont pas moins de 128 000 logements que l’on retrouve vacants et 416 000 en Île de France.
Après une expulsion illégale par le Préfet de police le 5 décembre au soir, le campement est réinstallé le lendemain. La justice a suspendu l’arrêté du Préfet. La trêve hivernale a commencé le 31 octobre et le DAL entend bien durcir la mobilisation sur le logement d’ici la fin de la trêve. En attendant, des après-midis de rencontre seront organisés régulièrement sur le campement, situé à l’angle de l’avenue de Ségur et la rue des Estrées, dans le 7ème arrondissement de Paris.
Bertille Hyvon