Le Conseil d’État rejette froidement le recours des occupant·es de la Gaîté Lyrique

La nouvelle est tombée. Le Conseil d’État publie son ordonnance ce lundi 31 mars rejetant le recours du Collectif des Jeunes du Parc de Belleville contre l’expulsion violente de la Gaîté Lyrique le 18 mars dernier. L’établissement était occupé par le Collectif depuis le 10 décembre 2024, afin de trouver des solutions d’hébergement pour les 450 mineur·es isolé·es qui y vivaient faute de solutions.

 

De la Gaîté au Conseil d’État

Ce vendredi 28 mars, le Collectif des Jeunes du Parc de Belleville est venu plaider un appel contre l’ordonnance de référé suite à l’expulsion devant le Conseil d’État. Le 20 mars, les requérants faisaient la demande rejetée par la suite, au tribunal administratif de Paris, de suspension de l’arrêté d’expulsion du préfet de police concernant leur présence au théâtre.

À droite, les requérants sont représentés par les avocats du collectif, Samy Djemaoun et Florian Bertaux, ainsi que deux occupants de la Gaité Lyrique, Felix D. soutien et Alhassane B., délégué. De l’autre côté, Charles-Edouard Minet, représentant du ministère de l’intérieur, Tiphaine Leclere, une représentante de la Préfecture de Région Île-de-France (PRIF) et un avocat de la Mairie de Paris. La juge rappelle les faits : l’occupation enclenchée, la convocation au Tribunal administratif pour expulsion le 13 février, la fin du délai pour expulsion le 16 mars, et finalement le 18 mars, l’évacuation de la Gaîté Lyrique.

 

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Les requérants défendent qu’aucune demande d’examen n’ait porté depuis la première ordonnance, le 13 février 2025, lorsque le Collectif est convoqué au Tribunal administratif. À ce moment-là, ce sont pourtant déjà 47 jeunes recensés par les avocats avec l’aide du Collectif et des associations comme présentant des très grande vulnérabilités, dont trois tuberculoses. Ils rappellent l’obligation positive de l’État à réaliser un diagnostic individuel de situation avant expulsion. Ces diagnostiques individuels de situation permettent de faire l’évaluation de la vulnérabilité d’une personne, afin de lui trouver un hébergement adapté à sa situation, selon ses besoins spécifiques. Ces examens font de sa santé physique, mentale, son suivi médical, des besoins spécifiques à sa précarité, à sa scolarisation.

 

De l’autre côté, un représentant du ministère s’en défend. Il avance qu’aucun examen de situation n’a été fait, car les SAS proposés par la PRIF étaient précisément l’endroit où seraient réalisés les examens… après l’expulsion. Pour rappel, lors de l’expulsion,  la proposition donnée était de 450 places en SAS situé dans différentes villes de province.

 

Avec cynisme, Me Djemaoun ajoute que les seules évaluation faites, ce sont les 25 obligations de quitter de territoire (OQTF) délivrées aux jeunes suite à l’expulsion. Les OQTF sont pourtant illégales sur des mineurs, falsifiant leurs dates de naissance et leur nationalité. Pourtant, ces jeunes sont à ce moment munis de leurs documents de recours et d’état civil.

 

SAS d’accueil : pour quel public ?

Sur les 450 occupant·es de la Gaîté Lyrique, seuls six ont acceptés de partir en SAS. On apprendra que trois d’entre eux sont déjà de retour à Paris, dont l’un qui était scolarisé à Paris et n’avait pas compris où il partait. Pourtant Tiphaine Leclerc, représentante de la PRIF, avance que durant quatre heures, des professionnels sont allés à la rencontre des jeunes pour les inviter à accepter les propositions d’hébergements… Charles-Edouard Minet, représentant du ministère de l’Intérieur, explique que c’est à cause des collectifs que les jeunes ne seraient pas montés dans les bus, mal conseillés par les militant·es.

 

Les SAS d’accueil temporaire régionaux sont des dispositif d’examen de situation administrative qui a l’issue de trois semaines propose une orientation dans différentes mises à l’abri selon la circulaire du 13 mars 2023. Les SAS sont mis en place pour « procéder à l’examen systématique de la situation administrative des personnes prises en charge au sein de sas d’accueil temporaire dans le cadre d’opérations de mise à l’abri menées en Île-de-France. Proposer une orientation vers un hébergement adapté à leur situation et/ou prendre les mesures administratives qui s’attachent à leur situation en matière d’asile, de séjour et d’éloignement ». Ce sont des dispositif mis en place à destination des demandeurs de titres de séjour, des demandeurs d’asile ou des bénéficiaires de la protection internationale.

 

Tous ces faits, sont rappelés par les requérants, qui insisteront durant toute l’audience sur la situation administrative spécifique aux mineurs isolés en recours, qui n’entrent pas dans les critères pour bénéficier des SAS. Maître Djemaoun rappelle durant l’audience un e-mail reçu par la cheffe de service du SAS de Vaucluset suite à l’expulsion. Cette dernière indiquait ainsi que les mineurs en recours n’étaient effectivement pas accueillis en SAS.

 

« L’administration n’a pas fait son travail »

Alhassane B., délégué et occupant de la Gaîté Lyrique est présent parmi les requérants. Loin d’être intimidé, il est venu apporter son témoignage face à la juge. Avec assurance, il rappelle qu’aucune évaluation n’a été faites sur les occupant·es : « l’administration n’a pas fait son travail ». Alhassane B. explique l’inadéquation des SAS pour les mineur·es isolé·es en recours à Paris. Il raconte la situation des jeunes, parfois suivis dans des hôpitaux parisiens, scolarisé·es à Paris, les rendez-vous avec les avocats, avec les administrations… À l’issue de huit mois de recours, voir un an, un jeune ne peut pas quitter la ville où toutes ses procédures ont été entamées et où se trouvent tous les réseaux associatifs et les militant·es.

 

Alhassane B. rappelle également les conditions de l’expulsion. « Ce qui s’est passé le 18 mars, c’était pas normal ». Décrivant le déroulé de la matinée, il explique l’arrivée de la préfecture, le cordon de CRS, les négociations vaines, l’entrée des forces de l’ordre à 5h40, 13heures après le dépôt de l’arrêté, et décrit les violences subies par les jeunes et les soutiens présents. Il raconte les coups de matraques, l’usage de gaz jusqu’à 9 heures du matin, les nasses violentes et abusives. Pour conclure son témoignage, il assène enfin : « si la préfecture dit que c’est une expulsion bien faite, alors je me demande c’est quoi une expulsion mal faite ».

 

Rejet de l’ordonnance

Lundi 31 mars, la décision du Conseil d’État est rendue publique et rejette à nouveau le recours. Pour les jeunes du Collectif, l’atmosphère n’est pas au découragement. Abdourahmane, délégué de l’occupation, ajoute « on peut tuer le combattant, mais on ne peut pas tuer le combat ». Il affirme que leur lutte ne va pas faiblir, pour tous les jeunes qui viendront après eux et ce, malgré la répression à leur encontre qui s’accentue. Dimanche 6 avril, une manifestation est organisée par le Collectif des Jeunes du Parc de Belleville pour répondre à l’expulsion et célébrer les un an de l’occupation de la Maison des Métallos. Après cette mobilisation, qui s’est tenue du 6 avril au 4 juillet 2024, 230 places pour des jeunes et 21 familles étaient arrachés à la ville de Paris.

 

Bertille Hyvon

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