N’effacez pas, les victimes de Depardieu

L’ouverture du procès de Gérard Depardieu pour agressions sexuelles, pendant le tournage du film Les Volets verts de Jean Becker en 2021, a eu lieu ce lundi 24 mars. Le procès, encore en cours, se déroule au tribunal correctionnel de Paris, et cette fois-ci, l’acteur y était présent. (TW : violences sexuelles)

Visé par une vingtaine d’accusations de violences sexuelles depuis 2018, l’acteur comparaît enfin devant la justice. Il encourt cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende pour «atteinte sexuelle avec violence, contrainte, surprise ou menace» dénoncées par deux femmes, l’une ensemblière décoratrice de 54 ans et l’autre assistante réalisatrice de 34 ans.

Souriant, serein et avec des soutiens, il plaide la fausseté des accusations

Gérard Depardieu est apparu serein à ce procès. Souriant même par moment, appuyé sur son avocat. La ligne de défense choisie ? Plaider des accusations mensongères.
Au procès, l’acteur bénéficie de conditions particulières : pas plus de 6h d’audience par jour, une pause obligatoire de 15 minutes toutes les 3h, un accès à des toilettes privatifs, une autorisation de manger des barres sucrées si besoin et une autorisation de consulter son smartphone pour vérifier son indice de glycémie. Résultat : le procès dure des heures et s’étale sur plusieurs jours, le temps d’entendre l’ensemble des témoins appelés par l’accusation et la défense.

Quatre témoins pour l’accusation, une dizaine pour la défense : essentiellement des techniciens présents sur le tournage de volets verts : un chef machiniste, un ingé son, le directeur photo, une éclairagiste, un salarié chargé des loges…

Lundi, premier jour de procès, l’audience était empreinte par les nombreuses attaques de la défense de l’acteur envers les parties civiles. Une première journée qui a été marquée par l’expulsion de la salle d’audience de l’actrice Anouk Grinberg, qui a par la suite déclaré : « C’est incroyable que dans l’enceinte de la justice, on mente autant ! On n’en pouvait plus. Ça faisait six heures qu’on supportait ça. Ils viennent d’évacuer quelqu’un qui connaît la vérité. Elle est connue de tout le monde. Depardieu c’est un agresseur, ça fait 50 ans qu’il fait ça. Les femmes doivent se taire sinon elles sont virées du métier. Il y a un moment où on ne peut plus supporter que tant de mensonges soient permis. Tout le monde a vu mais personne ne dira rien. Il y a une lâcheté dans ce métier qui est terrible ».

Hier, c’était sur le fond du dossier, avec le rapport du président sur les faits, que se déroulait l’interrogatoire de Gérard Depardieu. L’acteur a par ailleurs annoncé vouloir faire des déclarations préalables et répondre aux questions du tribunal. 14 témoins doivent encore être auditionnés. Le procès devrait encore durer au moins deux jours puisqu’à cela s’ajoutent les réquisitions et plaidoiries. Pour rappel, le comédien âgé de 76 ans encourt cinq ans de prison et 75 000 euros d’amende.

“Tous ceux qui ont travaillé avec Depardieu savent qu’il agresse les femmes”

Des accusations contre Gérard Depardieu, ce n’est pas ça qui manque, et depuis 2018, elles ne cessent de s’enchaîner.

Fin août 2018, la comédienne Charlotte Arnould, 22 ans, avait déposé plainte contre Gérard Depardieu. L’acteur était alors âgé de 69 ans. Elle dénonçait deux viols au domicile parisien de l’acteur, les 7 et 13 août. Gérard Depardieu avait nié les faits.

Le 4 juin 2019, l’enquête avait été classée sans suite, les faits paraissant insuffisamment caractérisés.
Le 10 mars 2020, la comédienne a déposé plainte avec constitution de partie civile à Paris. L’enquête a alors été rouverte. L’acteur avait été mis en examen pour viols et agressions sexuelles le 16 décembre 2020. Il en avait demandé l’annulation, sans résultat.

Un an plus tard, dans un post sur Twitter, Charlotte Arnould dénonçait le fait que Gérard Depardieu poursuive sa carrière « pendant qu'(elle) passe son temps à survivre ».

En février 2024, c’est Amélie, 53 ans, décoratrice de cinéma, qui porte plainte contre l’acteur. Elle dénonce une agression sexuelle lors du tournage dans un hôtel particulier de l’avenue Mozart, dans le 16e arrondissement de Paris. Elle confiait alors auprès Mediapart que l’acteur l’avait soudainement « attrapée avec brutalité » et « bloquée en refermant ses jambes [sur elle] comme un crabe », puis il lui a « pétri la taille, le ventre, en remontant jusqu’à [ses] seins », tout en lui lançant : « Viens toucher mon gros parasol, je vais te le fourrer dans la chatte… » L’acteur avait également tenu des propos outranciers, hurlant notamment qu’il « voulait un ‘ventilateur’ car il ne pouvait ‘même plus bander’ avec cette chaleur ».

Quelques temps après, c’est Sarah, 33 ans, assistante réalisatrice, qui dénonce des faits de même nature.
Elle affirme qu’après s’être confiée à la deuxième assistante réalisatrice des “attouchements à la poitrine et sur les fesses” subis à trois reprises de la part de Gérard Depardieu, celui-ci lui a fait vivre “un calvaire”. Sarah a rapporté à Mediapart avoir été traitée par l’acteur de “balance” sur le plateau et s’être fait “hurler dessus”.

Le 11 avril 2023, sur le site Mediapart, Treize femmes témoignaient à leur tour de violences sexuelles. Le parquet de Paris déclarait alors n’avoir “été destinataire, à ce jour, d’aucune nouvelle plainte”. Et pourtant, celles-ci continuent de se multiplier.

En septembre 2023, la comédienne Hélène Darrasa, à son tour, porte plainte pour agression sexuelle sur le tournage de “Disco” en 2007. Une plainte qui sera classée pour prescription.

Début octobre 2023, Gérard Depardieu s’exprime dans le Figaro, déclarant n’être “ni violeur, ni prédateur” et affirmant n’avoir “jamais, au grand jamais, abusé d’une femme”. Une déclaration qui fait notamment réagir Anouk Grinberg, qui répond alors dans une interview au magazine Elle, “je l’ai vu le faire”. “Tous ceux qui ont travaillé avec Depardieu savent qu’il agresse les femmes” ajoutait-elle.

Mi-décembre 2023, c’est la journaliste et écrivaine espagnole Ruth Baza qui déposait plainte en Espagne, pour un viol qui aurait eu lieu lors d’une interview le 12 octobre 1995 à Paris.

Un monstre sacré ? Le terme de monstre suffisait

En décembre 2023, l’émission “Complément d’enquête” dévoilait une séquence tournée cinq ans plus tôt en Corée du Nord. Gérard Depardieu y multiplie les propos misogynes et à caractère sexuel y compris envers une fillette. Pour défendre l’acteur, un montage “frauduleux” était utilisé comme explication.

Rima Abdul-Malak, alors ministre de la Culture , qualifiait ces propos comme faisant “honte à la France”. L’acteur a été radié de l’Ordre national du Québec, a perdu son titre de citoyen d’honneur d’une commune belge et a vu sa statue retirée du musée Grévin.

Quelques jours plus tard, Emmanuel Macron prenait la parole, saluant “immense acteur” qui “rend fière la France” et évoquait “une chasse à l’homme” en parlant des pétitions contre Depardieu.

Une soixantaine de célébrités dénonçaient alors un “lynchage” le 25 décembre 2023 sur le site du Figaro. Une tribune, intitulée “N’effacez pas Depardieu” était signée, en guise de soutien à l’acteur.
Carole Bouquet, Pierre Richard, Carla Bruni et Bertrand Blier, Jacques Dutronc ou encore Arielle Dombasle en étaient les signataires parmi 50 autres personnalités. Un soutien, justifiaient-ils , au nom de l’art. Carole Bouquet, ancienne compagne de Gérard Depardieu et actrice, défendait ainsi l’acteur “incapable de faire du mal à une femme”.

Pour contrer cette tribune, 8 000 artistes ont, quant eux , signé une “contre-tribune”. « La production de l’art n’est pas une abstraction située en dehors des dynamiques sociales. », avaient-ils alors expliqué.
Parmi ces signataires on pouvait trouver Laure Calamy, Corinne Masiero, Angèle ou encore Hoshi.

Le 29 avril 2024, Gérard Depardieu était placé en garde à vue puis convoqué devant le tribunal correctionnel pour agressions sexuelles sur ces deux femmes. Son avocat, Jérémie Assous avait obtenu un renvoi de l’audience initialement prévue le 28 octobre dernier, plaidant l’état de santé incapacitant de son client, qui ne lui permettait pas de se présenter au procès. C’est donc la première fois que l’acteur de 76 ans comparaît devant la justice depuis qu’il est accusé de violences sexuelles. Depuis février 2025, l’acteur est également visé par une enquête pour fraude fiscale aggravée et blanchiment.

“C’est insupportable cette impunité, il faut que cela s’arrête”

Pour soutenir les victimes, plusieurs autres femmes accusant Gérard Depardieu s’étaient rendues au tribunal correctionnel de Paris en octobre. Parmi elles, la comédienne Charlotte Arnould, mais aussi l’actrice Anouk Grinberg, une des premières à briser le silence entourant Depardieu.

Jean Becker, le réalisateur, a quant à lui, indiqué ne pas avoir eu connaissance de mauvais comportements de la part de l’acteur sur le tournage. Anouk Grinberg a alors dénoncé la “lâcheté” du cinéaste affirmant qu’il “savait très bien que deux femmes avaient été agressées gravement”.
“Sur certains films avec Depardieu, on dit à l’équipe avant le tournage : ‘s’il y a le moindre problème vous vous taisez. Si vous parlez, vous êtes virés”, avait fustigé Anouk Grinberg.

L’avocat du comédien, Jérémie Assous, s’est quant à lui déclaré “très serein”, face à ce procès. Il aurait déclaré “Oui, Monsieur Depardieu sera entendu et il sera relaxé !” “Elles ont attendu deux ans pour porter plainte, elles peuvent bien attendre trois mois de plus!”, a-t-il lancé aux plaignantes.
“L’attente des parties civiles à ce jour est que l’on aboutisse à un débat sur le fond du dossier et que cette affaire enfin soit jugée”, affirme de son côté sa consœur Carine Durrieu Diebolt, regrettant “la stratégie de la défense pour faire reporter le procès en accumulant des procédures de nullité et les manœuvres dilatoires”.

Pour ce premier jour de procès, certaines personnalités  ont pu être aperçues en soutien à l’acteur, comme Fanny Ardant, qui avait par ailleurs montré son soutien indéfectible envers l’acteur à de multiples reprises, déclarant : “Je le soutiens. Si vous trahissez votre ami, vous êtes une balance (…) Si j’aime quelqu’un, je le défendrai.”. Vincent Perez était également à ses côtés, tout comme son ex-compagne Karine Silla. De l’autre côté, on pouvait apercevoir, aux côtés des victimes, Anouk Grinberg, déclarant “C’est insupportable cette impunité, il faut que cela s’arrête”. De nombreuses militantes étaient également présentes sur le parvis du palais de justice.

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