Rexhino Abazaj, surnommé Gino est un militant antifasciste albanais. Il a vécu la majorité de sa vie en Italie où il est arrivé très jeune. Il a été arrêté à Montreuil le 12 novembre 2024. Gino est accusé par la Hongrie de violences sur des militant·es néonazi·es. Réfugié en France, il a été arrêté par une équipe de la sous-direction antiterroriste. Menacé par la France d’extradition vers la Hongrie, il entame son 4ème mois de détention à la prison de Fresnes.
Ces violences ont eu lieu lors du « Day of Honour » (jour de l’honneur), un évènement qui se tient en Hongrie, à Budapest, chaque mois de février depuis 1997. L’occasion pour des milliers de néonazi·es, certain·es vêtu·es d’uniformes SS, de se rassembler pour défiler et commettre des violences en toute impunité. Ce défilé est organisé par des groupuscules néonazis venus de toute l’Europe. Il commémore la tentative des troupes nazies et collaborationnistes hongroises de fuir la ville en février 1945. Ce défilé est toléré par le gouvernement de Viktor Orbán, voire légitimé. On le soupçonne par ailleurs d’être soutenu par des fonds publics.
11 Février 2023. Ce jour-là, une rixe éclate à la sortie d’un concert de rock néonazi organisé par la division locale de Blood and Honour (sang et honneur), un groupuscule interdit en France. Deux néonazis sont blessés. Ils écopent d’une incapacité de travail totale de 5 et 6 jours. Gino est alors accusé. Dans les documents transmis à la justice française, il lui est reproché d’avoir été complice ou d’avoir porté lui-même des coups ayant provoqué des « blessures guérissables en moins de 8 jours » sur deux personnes. Pourtant, les services à la solde de Viktor Orbán ont, eux, jugé qu’il y avait des « risques réels de blessures plus graves dont l’absence n’est due qu’au hasard. » Gino se serait rendu coupable de « tentatives de coups et blessures mettant en danger la vie d’autrui en tant que complice d’une organisation criminelle ». C’est par les termes de “criminel”, “coupable” et même “terroriste” que Gino est qualifié par le gouvernement d’Orbán. Les participant·es à ce défilé annuel ont, quant à elleux, été qualifié·es par la Hongrie comme étant d’honnêtes citoyen·nes. Le problème est qu’un de ces “honnêtes citoyens” arborait le tatouage d’un officier de la Wehrmacht sur le torse.
Le même jour, au même endroit, un groupe d’une dizaine de néonazis attaquait 4 personnes. Les victimes subissent alors de graves lésions : un jeune souffre d’une fracture au crâne, du nez cassé et de la perte de 3 dents. La police arrête deux agresseurs en flagrant délit. Le parquet demande alors la détention par mesure de prévention, mais le tribunal prononce, lui, pour les deux suspects, une mesure de surveillance légère, avant de les remettre en liberté après deux jours de détention. L’injustice de traitement entre ces néonazis et Gino, militant antifasciste, est flagrante, et la disproportion des accusations apparaît alors de façon évidente.
Gino, Maja, Ilaria, le cas de ces antifas
Gino n’est pas le seul. Il y a aussi Maja, une personne queer livrée par les autorités allemandes à la Hongrie et actuellement enfermée en prison dans des conditions de torture blanche. Le 21 février, s’ouvrait son procès.
Maja est emprisonnée à Berlin. Elle faisait partie d’un groupe de vingt militant·es recherché·es par les autorités hongroises. Elle est accusée d’être impliquée dans “quatre attaques contre des extrémistes de droite présumés” à Budapest en février 2023 et d’être coresponsable de lésions corporelles graves. Elle est également accusée d’appartenance à une « organisation criminelle ».
Une fois arrêtée, la cour d’appel a donné un avis favorable à son extradition. Fin juin 2024, en plein milieu de la nuit, Maja se fait sortir de sa cellule pour être amenée en Hongrie, sans que ses avocats et sa famille ne soient prévenus. La Cour constitutionnelle fédérale allemande émettra à 10h50 une ordonnance suspendant son extradition. Mais Maja avait été remise aux autorités hongroises à 10h. Les autorités allemandes ont alors refusé de fournir des informations sur le lieu où se trouvait Maja, obligeant sa famille à apprendre ces événements par la presse. En Hongrie, en tant que personne queer, les conditions de détention sont inhumaines et les risques encourus élevés. Sa cellule, infestée de cafards et placée sous vidéosurveillance, est constamment fouillée.
À l’approche du procès, l’offre du ministère public de plaider coupable et d’accepter 14 ans de prison sans autre procès a été rejetée. Le procès s’avère donc être un long combat, à l’issue duquel la peine maximale de 24 ans de prison pourrait être retenue.
Ilaria Salis, également militante antifasciste a, quant à elle, été inculpée en Hongrie pour “tentative de meurtre” et a passé 15 mois en détention préventive, sans qu’aucune preuve n’existe contre elle puisqu’aucun témoin ni victime ne l’a reconnue. Le juge lui a autorisé la résidence surveillée seulement en mai 2024, après sa candidature au Parlement européen. C’est seulement après son élection en juin qu’elle a été libérée et a pu retourner en Italie grâce à son immunité parlementaire.
Elle a, durant sa détention, été mise pendant plus d’un mois à l’isolement dans une cellule vétuste, infestée d’insectes, mal éclairée, à peine ventilée et sans possibilité d’avoir des vêtements de rechange. Elle n’avait pas de papier toilette, pas de serviette hygiénique, pas de savon. Ilaria Salis a subi des interrogatoires sans son avocat, afin d’obtenir une confession de sa part. Pendant plus de 6 mois, elle n’a pas pu parler à sa famille, pas même au téléphone. L’alimentation était insuffisante et elle était enfermée 23h par jour. Ces conditions de détention inhumaines sont qualifiées de “torture blanche”.
Ilaria Salis avait également eu une proposition : celle de se déclarer coupable. Elle n’écoperait ainsi que de 11 ans de prison. Coupable pour des faits que personne ne peut acter puisqu’ils ne font l’objet d’aucun témoignage fiable ni d’aucune identification pour les actes qui lui sont reprochés. Elle a évidemment refusé et risque ainsi 24 ans de prison.
En Hongrie, la torture blanche est coutumière
Gino, quant à lui, entame son 4ème mois de détention à la prison de Fresnes. Il risque 16 ans de prison ferme si jamais la France donnait un avis favorable à son extradition en Hongrie.
En Hongrie, Viktor Orban définit son pays comme une démocratie libérale. Une démocratie libérale où les conditions minimales pour un procès équitable d’antifascistes ou d’opposant·es politiques n’existent plus. La présomption d’innocence est également absente. Ilaria Salis en est l’exemple même puisqu’elle a subi des traitements inhumains.
S’il était remis à la Hongrie, Gino serait soumis à un procès injuste dont le verdict est déjà écrit simplement parce qu’il est antifasciste.
Les militant·es antifascistes souffrent en Hongrie de “torture blanche et de procès injustes. Le pays est d’ailleurs régulièrement rappelé à l’ordre et sanctionné par les autorités européennes à cause des violations de l’État de droit.
Le 15 janvier dernier, le délibéré rendu par la Cour d’Appel de Paris a reconnu l’existence de « dysfonctionnements systémiques » concernant l’indépendance du pouvoir judiciaire hongrois et a accédé aux demandes de la défense, exigeant de la Hongrie un certain nombre d’informations complémentaires.
Un procès qui dure depuis déjà trop longtemps
Rexhino Abazaj devait être auditionné par la Cour d’Appel de Paris ce mercredi 12 février mais a vu son audience être renvoyée après le dépôt de nouveaux documents et faute de réponses de la part de la justice hongroise.
Un rassemblement avait lieu ce même jour devant le Palais de Justice avec diverses prises de parole : Thomas Portes (LFI), René Monzat (LDH), Révolution Permanente, Union Communiste libertaire et d’autres encore… Quentin, porte-parole du comité pour la libération de Gino, déclarait : « Aujourd’hui, nous sommes le 12 février 2025 et Gino entame son quatrième mois de détention à la prison de Fresnes ».
Partout en Europe, des groupes de soutien ont été crées. Il y a eu des pétitions, signées entre autre par Annie Ernaux, Eric Vuillard ou Rony Brauman, demandant qu’il ne soit pas extradé vers le pays d’Orbán. Des député·es de la France insoumise ont également appelé à “refuser l’extradition de Gino afin de garantir le respect de son droit à un procès équitable, consacré par l’article 6 de Convention européenne des droits de l’homme”.
Lutter ensemble contre le fascisme
L’affaire de Rexhino Abazaj, surnommé Gino, celle de Maja, celle d’Ilaria et de l’ensemble des militant·es antifascistes poursuivi·es est un exemple frappant qui prouve que la lutte contre l’extrême droite et le fascisme n’a jamais été aussi cruciale. L’attaque à l’arme blanche de la part de six hommes appartenant à la mouvance ultradroite, survenue dimanche 16 février 2025 à Paris, le souligne.
Concernant Gino, une prochaine audience aura lieu le 12 mars, au cours de laquelle seront vérifiées les réponses des hongrois et l’apport des garanties demandées. Ces garanties semblent difficiles à donner quant aux procès équitables, puisque la Hongrie, depuis des années, porte atteinte à la présomption d’innocence, aux droits fondamentaux et à la séparation des pouvoirs.
Salomé Lepretre