Il faut le crier haut et fort, les violences sexistes et sexuelles sont présentes dans tous les milieux. Elles ne sont pas exemptes du milieu doctoral, comme le montre une enquête de l’Observatoire des Violences Sexistes et Sexuelles dans l’Enseignement Supérieur publiée le 16 décembre 2024.
Une enquête sur les violences sexistes et sexuelles pendant le doctorat, publiée le 16 décembre 2024, dresse un constat alarmant. Pendant quinze mois, avec rigueur et courage, plus de 2 000 doctorant·es ont répondu au questionnaire de l’enquête, menée par les membres bénévoles de l’Observatoire des Violences Sexistes et Sexuelles dans l’Enseignement Supérieur. Il est important de rappeler qu’un rapport, ça n’est pas que des chiffres. Ce sont des vécus, des parcours académiques chamboulés et des personnes entravées dans leur apprentissage et leur vie.
Un climat généralement pesant, violent et sexiste
La période doctorale est marquée par des rapports de pouvoir déséquilibrés et un silence institutionnel. Pressions, remarques déplacées, discrimination, harcèlement… plus de la moitié des étudiant·es interrogé·es estime que le doctorat est une période particulièrement propice aux violences sexistes et sexuelles. Un constat plus fréquent chez les femmes (56,2 %) et les personnes non-binaires (70,3 %).
Des espaces propices aux violences
Les lieux de travail sont des lieux propices aux violences selon les répondant·es. Au sein du laboratoire, leur principal lieu de travail, près d’un quart d’entre elleux déclarent avoir subi ou avoir été témoins d’au moins une forme de violence, de harcèlement ou de discrimination passible de sanctions légales. Dans les laboratoires, les femmes s’y voient également assigner des tâches genrées (ménage, organisation d’événements) renforçant leur charge mentale et freinant leur progression académique. Le terrain de recherche est aussi un espace à risque. 31 % des violences rapportées concernent des situations où les doctorant·es étaient isolé·es de leur réseau de soutien institutionnel. Selon le rapport, « ces contextes sont malheureusement liés à une pression intense pour collecter des données, au détriment de la sécurité ». Il y a un manque de prévention et sensibilisation sur les VSS, notamment pour les terrains de recherches. Les congrès et les colloques représentent des lieux où règne un climat sexiste et 5,3 % déclarent y avoir subi des atteintes ou agressions de nature sexuelle. Un chiffre atteignant 7,1 % chez les femmes et 8,9 % chez les personnes non-binaires.
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Femmes et minorités : violences et obstacles dans le doctorat
Les femmes et les minorités de genre sont toujours surreprésentées parmi les victimes. Sur le terrain, les auteur·ices de violences sont majoritairement des hommes et souvent des titulaires ou émérites de l’enseignement supérieur et de la recherche, mais aussi des interlocuteur·ices externes.
Des réponses institutionnelles inadaptées
Les membres de l’Observatoire notent un sous-signalement des VSS, souvent expliqué par la crainte de représailles. Un esprit de corps réside entre les professeurs et les institutions, ainsi qu’un climat d’impunité ce qui rend les signalements difficiles pour les victimes. Les dispositifs institutionnels sont inadaptés. La majorité des répondant·es considère que les mesures de prévention des VSS sont aujourd’hui encore insuffisantes. L’enquête apporte dix-huit recommandations précises et concrètes dirigées vers plusieurs acteur·ices du monde de l’enseignement supérieur. Reste à savoir si des mesures seront prises par le prochain ministère de l’Enseignement Supérieur et si les résultats de l’enquête entraîneront une prise de conscience collective.
C’est quoi l’Observatoire des Violences Sexistes et Sexuelles dans l’Enseignement Supérieur ?L’Observatoire des Violences Sexistes et Sexuelles dans l’Enseignement Supérieur est une association féministe nationale créée en 2019. Elle se consacre à établir un état des lieux des violences sexistes et sexuelles dans l’enseignement supérieur. Un sujet niche qui n’est pas très visible dans l’opinion publique. Pourtant, l’Observatoire a publié quatre enquêtes nationales. Leur but est de sensibiliser et d’agir collectivement face à des violences qui sont minimisées et invisibilisées. Le manque de données renforce cette invisibilisation et les violences continuent de se reproduire, aux conséquences dramatiques pour les victimes. |
Recommandation : Comment l’université broie les jeunes chercheurs d’Adèle B. Combes, Éditions Autrement, 2022.
Si vous êtes victime ou témoin de violences, voici quelques ressources :
BADASSES (Blog d’Auto-Défense contre les Agressions Sexistes et Sexuelles dans l’Enquête en Sciences Sociales) est un collectif constitué de chercheuses féministes.
Le CLASCHES, collectif anti-sexiste de lutte contre le harcèlement sexuel dans l’enseignement supérieur, est une association féministe de lutte contre les violences sexistes et sexuelles dans l’enseignement supérieur.
Le collectif CGT Doctorant·es qui vise à développer l’action syndicale chez les doctorant⋅es.
Clémence Le Maître