Le procès inédit de deux militant·es des Soulèvements de la Terre

Les réquisitions de la procureure de la République à l’encontre de deux militant·es des Soulèvements de la terre ont scandalisé la salle d’audience, lors de leur procès le 22 novembre : prison avec sursis, amendes et interdiction des droits civiques. La cause ? Iels ne se sont pas rendu·es physiquement devant une commission d’enquête parlementaire en juillet 2023. Le délibéré sera rendu en janvier.

 

C’est la première fois dans l’histoire de la Ve République que deux personnes sont jugées pour de tels faits. Le 22 novembre, devant le Tribunal correctionnel de Paris, dès 8 heures du matin, sous la pluie, des militant·es et des soutiens au mouvement Les Soulèvements de la Terre se sont rassemblé·es avant le procès de deux de leurs porte-parole, Léna Lazare et Basile Dutertre, poursuivi·es pour des faits inédits. Iels ont refusé par deux fois, en juillet et en septembre 2023, une convocation physique devant une commission d’enquête parlementaire qui examinait les violences commises durant les manifestations liées à la réforme des retraites et la manifestation contre les mégabassines à Sainte-Soline le 25 mars 2023.

 

Un acharnement judiciaire

La commission, présidée par le député Les Républicains, Patrick Hetzel, aujourd’hui ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, avait été créée en mai 2023 pour étudier « la structuration, le financement, les moyens et les modalités d’action des groupuscules auteurs de violences à l’occasion des manifestations et rassemblements intervenus entre le 16 mars et le 3 mai 2023, ainsi que sur le déroulement de ces manifestations et rassemblements ». Les deux militant·es ont été convoqué·es pour répondre à des questions devant les élu·es, en tant que représentants légaux du mouvement des Soulèvements de la Terre. Alors que celui-ci n’est pas une association loi 1901, n’a aucun fondement juridique et par conséquent aucun·e représentant·e. Le questionnaire envoyé aux activistes écologistes portait sur des affaires judiciaires visant le mouvement qui étaient en cours, iels ont donc décidé de répondre à l’écrit à ces questions. Selon le principe de la séparation des pouvoirs, « il ne peut être créé de commission d’enquête sur des faits ayant donné lieu à des poursuites judiciaires et aussi longtemps que ces poursuites sont en cours » (art. 6 ordonnance n° 58-1100 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires). Cela n’a pas suffi au président de la commission, Patrick Hetzel, qui a décidé de porter plainte contre elleux. Le fait de ne pas se présenter devant une commission d’enquête est un délit depuis 1958. Iels risquent deux ans d’emprisonnement et 7 500 euros d’amende chacun·e. Léna Lazare parle d’un « acharnement judiciaire ».

 

 

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Une première dans l’histoire de la Ve République 

Au début de l’audience, Maître Mattéo Bonaglia, un des avocats des prévenu·es, affirme que c’est « la première fois de l’histoire de la Vème République qu’une personne doit répondre pour non-présence devant une commission d’enquête parlementaire ». Lors de sa plaidoirie, la procureure insiste sur le fait qu’ « ils ne se sont même pas déplacé·es » et parle même d’un « déni de démocratie » pour ne pas avoir voulu discuter avec les élu·es. Pour Léna Lazare, le ministère public requiert deux mois d’emprisonnement assortis d’un sursis, d’une amende de 1 500 euros, et d’une interdiction de ses droits civiques (droit de vote et d’éligibilité) pendant un an. Concernant, Basile Dutertre, absent à l’audience pour un déplacement professionnel, il encourt une peine de quatre mois d’emprisonnement assortis d’un sursis, d’une amende de 3 000 euros et de la privation de ses droits civiques durant deux ans. « Quelle honte ! » a-t-on pu entendre à ce moment-là dans la salle d’audience de la 24e chambre correctionnelle. Suite à ces annonces, Me Raphaël Kempf déclare partager la vive émotion de la salle quant aux réquisitions de la procureure. Durant sa plaidoirie, il explique que « la commission d’enquête n’est pas un lieu de dialogue et n’est pas pensée pour ça. Les député·es ne sont pas là pour écouter. » Pour lui, cette commission a voulu se faire le relais d’une exigence portée par le gouvernement, et plus particulièrement de Gérald Darmanin qui avait appelé les militant·es écologistes des « écoterroristes ». « Le ministère public se fait aujourd’hui le relais de l’exécutif. La boucle est bouclée ». Le jugement sera rendu le 17 janvier 2025.

 

Clémence Le Maître

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