Ce samedi 12 octobre 2024, à l’occasion des portes ouvertes de la Mairie de Paris, le Collectif des Jeunes Du Parc de Belleville a mené deux actions sur le site de l’Hôtel de Ville. Ils exigent la mise à l’abri immédiate des mineurs en recours et familles contraints de vivre dehors. Récit de cette journée de mobilisation.
« Qu’est ce qu’on veut ? Logements ! Qu’est ce qu’on veut ? Logements ! » les slogans des jeunes du Collectif Jeunes du Parc de Belleville retentissent de l’autre bout du parvis de l’Hôtel de Ville à Paris où serpentent l’interminable file d’attente des visiteur·se·es venu·es profiter des activités proposées ce 12 octobre 2024 à l’occasion de la journée de portes ouvertes. La maire PS, Anne Hidalgo, a convié tous·tes les parisien·ne·s à un évènement au programme chargé, braderie de goodies JOP, distributions de dahlias olympiques, expositions, stands, animations musicales…
De Belleville à l’Hôtel de Ville, des mineurs en lutte sous la même banderole
Il est 14h, au milieu de la foule, une centaine de jeunes en recours (pour faire reconnaître leurs minorités devant le tribunal pour enfants, ndlr), majoritairement non hébergé·e·s, affluent aux côtés des délégués du collectif, des familles exilées sans logis et de leurs soutiens. Iels traversent le parvis pour rejoindre l’entrée principale de l’Hôtel de Ville. Une grande banderole rouge est rapidement déployée, elle annonce en lettres capitales : « La honte à ce pouvoir qui fait la guerre aux mineur·es isolé·es ». Les jeunes se tiennent derrière, les mégaphones sont brandis et la manifestation s’enclenche sous les yeux ébahis des publics. L’un des délégués du collectif prend la parole : « il n’y aura pas une nuit de plus pour les jeunes et les familles qui survivent au dehors. »
Plusieurs centaines de jeunes mineurs à la rue
La file d’attente est arrêtée, au mécontentement général des visiteur·se·s à l’extérieur. C’est l’occasion pour le collectif de prendre cet espace afin de rappeler à tous les parisien·nes présent·e·s les conditions insupportables qu’iels subissent. Un jeune non hébergé prend le mégaphone à l’adresse des visiteur·se·s : « On en a marre, on est fatigués, on souffre du jour au lendemain (…) À Paris plus de 200 jeunes dorment dehors ».
Les mineur·e·s en recours, par ce type d’action, sortent momentanément de leur invisibilisation forcée. En effet, si les parisien·ne·s ne peuvent pas toujours se douter de leurs situations, c’est aussi parce qu’aux aurores, les campements sont systématiquement évacués. « La mairie sait qu’on existe parce que chaque matin elle nous envoie une grande équipe de policiers pour nous réveiller là où on dort. Si c’est vrai que la France est un pays de liberté, alors on a le droit au logement », ajoute-il.
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“Logements pour tous et toutes !”
Une des soutiens sur place informe qu’une autre action est en cours à l’intérieur de l’Hôtel de Ville. Une scène sur laquelle devait se tenir un spectacle est saisie par le collectif au milieu d’une somptueuse salle de la mairie, remplie elle aussi de visiteur·se·s. L’objectif pour le collectif est de maintenir la pression en occupant cet espace afin d’être reçu en délégation par les équipes de la mairie. « Des places il y en a ! Logements pour tous et toutes ! », est-il écrit sur une banderole verte à l’adresse des institutions.
Fousseni, délégué du collectif, entouré par ses camarades, prend la parole : « Ils disent que la ville de Paris, c’est une ville d’accueil, d’intégration. C’est des mensonges ! Y a des centaines de jeunes, des enfants, des familles qui dorment à la rue. C’est une honte pour la mairie (…) Ils étaient prêts à dépenser des milliards pour que les Jeux Olympiques se passent dans les meilleures conditions. Mais pour dépenser des milliards pour les personnes qui dorment à la rue, ça, jamais ils ne l’ont fait. On est là pour interpeller la mairie, on est là pour interpeller la gauche ! »
Tandis que la manifestation maintient son intensité sur le parvis de l’Hôtel de Ville, une fille, elle aussi en recours, évoque la difficulté supplémentaire vécue par les mineures, la peur des violences physiques et des viols auxquelles elles peuvent être confrontées. Sont également présents aux côtés du collectif, des familles exilées et des femmes enceintes. Elles aussi sont victimes des mêmes violences et luttent, malgré la fatigue, pour leurs droits.
Des négociations entamées, mais pas abouties
Aux alentours de 15h30, un message retentit dans les enceintes de l’événement avertissant que l’Hôtel de Ville ferme ses portes en raison de la manifestation. Le collectif acclame vivement cette nouvelle, déterminé à poursuivre la mobilisation. Plus tard, ils apprennent qu’une délégation sera reçue par la mission urgence sociale de la Ville de Paris suite aux discussions entamées à l’intérieur. C’est autour de 16h30 que la manifestation quitte la place, cerclée d’abord par quelques gendarmes, pour se rendre sur la place Baudoyer, située derrière la mairie. Les négociations se poursuivent dans le bâtiment de la caserne Napoléon. Une centaine de mineurs en recours et des familles passent la porte du bâtiment, filtrés par des gendarmes, accompagnés par les délégués du collectif et des soutiens. Les négociations démarrent, les personnes présentes dans la caserne pourront être hébergées.
Les portes se ferment, laissant pour compte de nouveaux jeunes et familles arrivées trop tard. Restés dehors, ils ne pourront pas bénéficier de la mise à l’abri. La manifestation se relance. « Égaux, égales, personne est illégal ! », les slogans reprennent de plus belle toute la soirée, tandis que la présence policière s’intensifie malgré la mobilisation restée pacifique. La place est rapidement nassée. Aux alentours de 21h, l’évacuation de la place est ordonnée par la préfecture qui menace d’user de la force.
Une victoire, mais le combat continue
Un communiqué est publié dans la soirée par le Collectif des Jeunes du Parc de Belleville. Il annonce la victoire de cette mobilisation, qui après plusieurs heures de négociation, aura permis la mise à l’abri immédiate en gymnases des 200 mineurs en recours, dont quelques jeunes filles et une dizaine de familles qui étaient présentes à l’intérieur la caserne Napoléon. Dans son communiqué, le collectif ne manque pas de rappeler que des centaines de jeunes et de familles ne bénéficieront pas ce soir des hébergements d’urgence. Iels seront contraint·e·s de retourner à l’errance.
Le collectif souligne sa détermination à maintenir la lutte pour toutes ces personnes, en annonçant aux jeunes et aux familles les dates des prochaines assemblées générales qui se tiennent tous les mardi à 17h à la Bourse du Travail. Comme le déclarait plus tôt dans la journée l’un des délégués : « Tant que nous sommes à Paris, s’il n’y a pas de solutions pour les jeunes, on va continuer à lutter. »
“Le Collectif des Jeunes du Parc de Belleville”, premier collectif de mineurs isolés en recoursLe Collectif des Jeunes du Parc de Belleville, collectif de mineur·e·s isolé·e·s en recours à Paris, a fêté ses un an récemment. Depuis, plus 650 places d’hébergement ont été arrachées à la mairie de Paris grâce à des actions d’occupations. Les jeunes du collectif n’ont cessé de lutter sans relâche pour faire valoir leurs droits les plus fondamentaux : l’accès au logement, à l’éducation, à la santé, à la mobilité, mais aussi le choix de rester à Paris pendant leurs démarches administratives, ainsi que la présomption de minorité et plus largement contre le racisme et le fascisme. Au printemps dernier, le collectif avait occupé durant trois mois la Maison des Métallos, un espace culturel de la mairie de Paris, une lutte victorieuse qui a permis la mise à l’abri de 230 jeunes et 21 familles. Toutefois, des centaines de mineur·e·s en recours sont, à ce jour et en dépit des récentes averses et des températures à moins 10°C, toujours contraints à l’errance et à la rue. Ils dénoncent l’indifférence de la mairie, alors même que certains campements y sont installés à seulement quelques minutes, pratiquement sous les fenêtres de l’Hôtel de Ville. |
Un reportage de Bertille Hyvon.