La route vers une meilleure prise en compte des handicaps dans les lieux et les moments de lutte est encore longue. “Nous sommes très déçues des féministes sur ce sujet“, déplore d’ailleurs Céline Extenso du collectif Les Dévalideuses. En 2018, elle sont huit à créer l’association anti-validiste et féministe. Trois ans plus tard, où en sont leurs combats ? Comment sont-ils reçus dans les milieux militants ?
En s’attaquant à la notion de validisme, les Dévalideuses s’opposent à la vision majoritaire du handicap. Celle qui veut qu’une personne handicapée n’est pas adaptée à la société. Qu’il faut la soigner, ou a minima la prendre en charge et l’aider. Par une série de gestes qui, même considérés bienveillants par ceux qui les prodiguent, révèlent une infantilisation et une sur-protection des personnes handicapées. Ils aboutissent alors à une “mise à l’écart, pour nous empêcher de prendre des décisions par nous-mêmes“, selon Céline Extenso. Les Dévalideuses, collectif qu’elle a co-fondé, défend l’idée que le handicap est une construction sociale : c’est la société validiste qui le crée. Il faut donc la faire évoluer.
Un collectif féministe pour démonter les idées reçues sur le handicap
Pour cela, elles font preuve de pédagogie (comme avec leurs “bonnes résolutions anti-validistes”) mais poussent aussi des coups de gueule. Dans les milieux féministes, elles revendiquent une approche intersectionnelle pour mieux appréhender les violences dont les femmes handicapées sont davantage victimes. Ou encore contre le gouvernement, comme récemment contre la campagne Voyons les personnes avant le handicap. Elles occupent le terrain médiatique en écrivant des tribunes et en répondant à la presse. Et participent aussi à des mobilisations de terrain, comme pour la déconjugalisation de l’Allocation Adulte Handicapé (AAH).
Sur le même thème : Cécile Morin : « Le placement en institution, c’est la mort sociale »
L’AAH, c’est au maximum 902,70 euros mensuels, qui doivent compenser l’inaccessibilité du marché du travail aux personnes handicapées. Un revenu inférieur au seuil de pauvreté. Si l’un·e de ses bénéficiaire vit en couple, elle risque d’être dépendant·e de sa ou son concubin·e. En outre, l’allocation diminue en effet en fonction des revenus de la personne avec qui la touche. “Ce n’est pas sain” pour la relation, et “on sait que l’indépendance financière est une condition nécessaire pour lutter contre les autres formes de dépendance et de violence“, dénonce Céline. De quoi justifier leur combat pour que le calcul de l’AAH soit individualisé. Après qu’une pétition le demandant ait recueilli 100 000 signatures, un projet de loi, jugé décevant par les militant·es, est à l’étude.
Un entretien de Lou Bonnefoy pour Radio Parleur. Identité sonore : Etienne Gratianette (musique/création). Photo de Une : MiKanux.