Après l’explosion de l’usine Lubrizol à Rouen, les habitants se mobilisent. Mardi 1er octobre, près de 2000 personnes sont venues demander des réponses à la préfecture de Seine-Maritime. Une mission d’information parlementaire a été ouverte, et le gouvernement tente de rassurer après une communication catastrophique.
À Rouen, l’air pollué noue encore la gorge, près d’une semaine après l’explosion de l’usine Lubrizol. Le 26 septembre dernier, aux alentours de 2h40, ce site classé Seveso est parti en fumée. Depuis, les habitant.e.s subissent nausées, malaises et vomissements. “Je trouve totalement irresponsable que les services publics et les entreprises aient maintenu l’obligation de se rendre au travail vendredi matin sachant que la situation n’était pas stabilisée,” déplore Raphaëlle Crémèche, membre du personnel de l’Université. “Un collègue avait ordre vendredi matin de ventiler les bâtiments alors que l’air à l’extérieur était probablement plus toxique que l’air à l’intérieur.”
Pour beaucoup de Rouennais・e・s, les informations et consignes parfois contradictoires des autorités ont alimenté leurs inquiétudes. Face au sentiment d’isolement, les habitant.e.s se sont rassemblé.e.s sur un groupe Facebook baptisé “collectif Lubrizol”. Fort d’au moins 13.000 membres, il permet aux membres d’échanger leurs craintes et de partager une pétition pour demander une enquête sanitaire et environnementale. Elle atteint déjà 85.000 signatures.
Ce groupe a également appelé à une manifestation mardi 1er octobre, pour interpeller directement la préfecture. “Est-ce qu’ils vont arriver à éteindre le feu ? Est-ce qu’il ne va pas y avoir une nouvelle explosion ? On s’inquiète pour nos enfants, on se demande s’il ne vaut pas mieux les évacuer. C’est ce que j’ai d’ailleurs fait,” explique Magalie, une habitante du quartier de la Préfecture venue manifester.
Une usine trop proche du centre-ville
L’usine Lubrizol fabrique depuis 1954 des additifs pour enrichir les huiles des carburants et des peintures industrielles. À un jet de pierre du centre de la capitale normande, sa présence était déjà menaçante. “Il faut bien se poser la question de la présence de ces usines dans le territoire urbain. Il serait grand temps qu’on réfléchisse à une transition,” explique Raphaëlle Crémèche. “Pour les mettre où, dans les pays du Sud ? Ce n’est pas une solution,” rétorque Guillaume Fresnel, directeur adjoint à l’environnement de la métropole.
“Il n’y a qu’un seul responsable, et c’est l’entreprise”
Sitôt la catastrophe advenue, la justice a été rapidement saisie. Des conducteurs de bus ont porté plainte pour mise en danger d’autrui. Des associations écologistes pour atteinte à l’environnement. La direction de Lubrizol elle-même a porté plainte dès le lendemain de la catastrophe pour “destruction involontaire par explosion ou incendie volontaire de biens.” Se faire passer pour une victime ? Une attitude critiquée par le Premier ministre Edouard Philippe dans un discours face aux sénateurs mercredi 2 octobre : “il n’y a qu’un seul responsable, et c’est l’entreprise.”
Des conséquences sur l’agriculture
Samedi 28 septembre, la préfecture publiait les résultats d’un “état habituel de la qualité de l’air” rassurant. Le même jour, elle prenait un arrêté de restrictions de récoltes pour 112 communes. Depuis, des restrictions sur le marché des produits alimentaires d’origine animales et végétales ont également été décrétées par quatre des cinq préfectures des Hauts-de-France, portant à 204 le nombre de communes concernées.
Le nuage ne s’est pas arrêté aux frontières de la Normandie et a été observé jusqu’aux Pays-Bas. Au moins 1800 éleveurs auraient été touchés par les suies, selon le ministre de l’agriculture, qui promet de les indemniser sous dix jours.