Un vent de convergence des luttes a soufflé jeudi 14 mars sur la Bourse du travail pour l’événement “Le Grand Débarras”. La tribune a réuni diverses composantes des luttes sociales actuelles, un préambule réjouissant à l’aube de l’Acte 18, attendu samedi 16 mars.
La convergence des luttes, c’est un peu l’arlésienne des mouvements de gauche. Constamment présente dans les discours. Plus rarement dans les faits. Pourtant, jeudi 14 mars, dans la grande salle de la Bourse du travail à Paris, un véritable vent d’union a soufflé sur les participant.es. L’événement “Le Grand Débarras” est organisé par une petite équipe affinitaire constituée autour de l’intellectuel Frédéric Lordon et des éditions Divergences. Il a réuni de nombreuses personnalités des luttes actuelles : les écolos, avec Hervé Kempf le rédacteur en chef de Reporterre et Camille, jeune étudiante en lutte pour le climat. Les quartiers populaires avec Youcef Brakni, du comité Adama. Les Gilets Jaunes avec Jérome Rodriguez, Priscillia Ludosky et Juan Branco, l’avocat de Maxime Nicolle. Un panel diversifié, auquel il manquait cependant une représentation féministe. Dommage, une semaine seulement après le 8 mars (Journée internationale de lutte pour les droits des femmes). La salle était donc pleine à craquer et les interventions ponctuées d’applaudissement nourris. Un enthousiasme viral, communicatif : l’énergie des grands soirs. D’autant que pour une fois, le public était un peu plus métissé qu’à l’ordinaire.
C’est Hervé Kempf qui a débuté la soirée, revenant sur l’historique des luttes sociales. Dès les premières phrases, le ton est donné : il faut s’unir pour combattre le gouvernement. A sa suite, Youcef Brakni -venu remplacer Assa Traoré initialement prévue à la table aux côtés des autres intervenant.es- a rappelé l’importance du combat contre les violences policières dans les quartiers. Il a profité de l’occasion pour revenir sur le flou créé par les différentes versions des expertises médicales concernant la mort d’Adama Traoré. Une nouvelle expertise, commandée par la famille, a été rendue publique le 12 mars. Le résultat est sans appel : quatre médecins balayent les conclusions avancées jusque-là sur les causes de la mort du jeune homme, assurant même que les anciennes conclusions étaient “biaisées sur le plan intellectuel, voire de l’éthique médicale” et replacent ainsi au centre l’asphyxie comme cause la plus probable de la mort.
C’est ensuite au tour de Jérôme Rodriguez de s’exprimer, l’un des visages les plus connus des Gilets Jaunes. Il appelle à retrouver la fraternité “perdue depuis 20 ans” et souhaite continuer les mobilisations du samedi “dans le pacifisme”, afin que tout le monde puisse y participer sans crainte d’être blessé, comme lui a pu l’être. Priscillia Ludosky, autre figure du mouvement, tient à nuancer ce propos qui a déclenché quelques murmures de désapprobation dans la salle. Bien sûr, elle souhaite aussi poursuivre les manifestations, mais n’est pas prête à “tendre la joue gauche” expliquant qu’elle n’avait pas goûté ses “premiers gaz lacrymos pendant le mouvement des Gilets Jaunes, mais quand [elle était] au collège en banlieue”.
Juan Branco, l’avocat du Gilet Jaune Maxime Nicolle (alias Fly Rider) a lui aussi demandé la poursuite du mouvement. “Ce moment mineur de notre histoire peut devenir un moment majeur. Il faut leur montrer qu’on est capables de tout renverser“. La parole est ensuite donnée à Camille, jeune étudiante qui participe aux grèves pour le climat pour dénoncer “l’écologie consensuelle et frileuse qui n’ose pas se dire anti-capitaliste”. Elle invite l’ensemble des participant.es à organiser des actions de désobéissance civile car “ce n’est pas en triant nos déchets et en mangeant bio” qu’on va sauver la planète. Enfin Frédéric Lordon, toujours très en verve, vient conclure le débat. En préambule, il s’étonne, preuve papier à l’appui, d’avoir été convié en tant qu’intellectuel par Emmanuel Macron à participer au Grand Débat national. Une invitation impensable pour celui qui refuse d’être “au milieu de pitres comme Raphaël Enthoven ou Bernard Henri Levy”. Nous ne lui ferons pas l’affront de retranscrire partiellement ses propos ici. Néanmoins, saluons quelques-unes de ses saillies : “Monsieur Macron vous êtes la “gorafisation” du monde en personne. Monsieur Macron, vous êtes un démolisseur du travail, des vies et de la planète. Dans sa fureur, le peuple pourrait démolir les démolisseurs. Pour ne pas en arriver là, il faut partir. Il faut rendre les clés”.
Merci à l’auto-média étudiant toulousain CAMé pour les dessins. Merci à Etienne Gratianette de Radio Parleur pour la prise de son.