La lutte contre la financiarisation locative s’organise. Alors que le projet de loi Elan (évolution du logement, de l’aménagement et du numérique) est adopté en première lecture par le Sénat le mercredi 25 juillet 2018, des associations de défense du droit au logement appellent à la mobilisation à la rentrée. Parmi elles, l’association Droit au logement (DAL) et son porte-parole Jean Baptiste Eyraud dénonce un arsenal de « mesures anti-pauvres ». Dans un entretien, il nous explique en quoi la loi concourt à fragiliser les plus démunis en revenant sur la précarisation des statuts locatifs, les facilités d’expulsions et la marchandisation du logement social.

Rendez-vous à la rentrée. C’est le message porté par Jean Baptiste Eyraud, porte-parole et fondateur du DAL. Le militant quinquagénaire espère voir les locataires « descendre dans la rue » avant que ne soit examinée la loi Elan par une commission mixte paritaire conclusive le 12 septembre 2018. Selon lui, le texte élaboré pour « construire plus, mieux et moins cher » ne fait que conforter une politique de soutien aux milieux financiers. Quelles sont ces dispositions « anti-pauvres » dénoncées par l’associatif ? Premier point de crispation : la criminalisation des occupants sans titres.

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Jean-Baptiste Eyraud, porte parole de Droit au Logement ( DAL). Photo : Droit au logement.

Un ancien cheval de bataille : la facilitation des expulsions

Alors que le Code pénal réprimait déjà l’occupation illicite du domicile d’autrui, Jean Baptiste Eyraud voit dans la loi ELan l’établissement d’une situation « particulièrement dangereuse ». L’article 58 ter de la loi prévoit la possibilité d’une expulsion express, sans jugement, des occupants d’un local à usage d’habitation ne pouvant prouver qu’ils y sont installés avec l’accord du propriétaire. Ces derniers risquent également une condamnation allant jusqu’à un an de prison et 15 000 euros d’amende. Première subtilité : le terme « domicile » est remplacé par « local à usage d’habitation » dans le texte, étendant le champ des expulsions à différents types de lieux, y compris les logements vacants réquisitionnés par les squatteurs. Deuxième subtilité : la fin du recours à l’instance judiciaire pour trancher. Un dispositif qui déséquilibre le rapport de force du régime locatif au profit des bailleurs et au détriment des plus démunis selon le militant. Jean-Baptiste Eyraud évoque alors un cas significatif : celui de la Guyane et de Mayotte. Les antennes locales du DAL y dénoncent la possibilité pour le préfet d’ordonner l’évacuation et la démolition d’habitats informels sans passer par une étape judiciaire, autre amendement prévu par la Loi Elan et terreau favorable à la « spéculation immobilière » sur ces territoires d’Outre-mer.

La création d’une « génération valise »

En outre, l’associatif révèle le paradoxe d’une situation alarmante : « L’idée est d’augmenter la rentabilité locative du logement alors que le logement n’a jamais été aussi cher ». Au-delà de revenir sur la loi ALUR, la loi Littoral ou encore la loi Handicap, le texte offre quelques nouveautés qui semble conforter l’objectif de rentabilité. Jean-Baptiste cite le « bail mobilité », contrat locatif de un à dix mois, destiné aux personnes en formation, en études supérieures ou en mission professionnelle temporaire. « Il va se substituer au bail de trois ans et créer une génération valise » envisage-t-il, dénonçant un outil de précarisation des locataires. De plus, les pénalités arbitraires sont rétablies en cas de retard de loyer, clause  interdite par la loi ALUR et rétablie par la loi Elan.

La « marchandisation du logement social »

Autre élément majeur de la loi : la législation qui concerne la vente des logements sociaux. Quand certains parlent « d’assouplissement » de la loi SRU, Jean Baptiste entend « dérégulation ». Passer de 8000 à 40 000 HLM vendus en un an: voilà l’objectif affiché par le gouvernement et approuvé par le Sénat. Cette vente massive devient possible partout y compris dans les communes « Loi SRU » qui ne respectent déjà pas le quota de 25% de HLM prévu par la loi de 2000. Jean-Baptiste Eyraud envisage un transfert de responsabilité opéré au profit des bailleurs privés, ouvrant la voie à la spéculation sur le marché du logement social. La vente du parc HLM constituerait une manne financière importante pour des fonds privés à l’affût, désormais libres de faire pression sur les ménages les plus modestes.