Le 12 juin dernier, Fakir, le journal du député Picardie debout ! François Ruffin, et le SNJ-CGT, organisaient la soirée des Bâillons d’Or. L’occasion d’entendre les témoignages d’ONG, de syndicats, de lanceur.se.s d’alertes et de journalistes qui nous présentent leur censeur, mais aussi de parler des menaces que représente la loi sur le secret des affaires. Radio Parleur y a rencontré Nicolas Vescovacci, journaliste à Cash Investigation et Céline Boussié, la première lanceuse d’alerte à avoir été relaxée en France.

Dans la salle Ambroise Croizat de la Bourse du travail, à Paris, tous les âges se côtoient. Jean-Baptiste, syndicaliste aux cheveux grisonnants, est venu dans l’idée de « fédérer les gens » autour de cette loi afin de lutter contre les politiques du gouvernement. D’autres, comme Claire, sont venus pour apprendre et rigoler. À 78 ans, cette soixante-huitarde déçue n’est « plus là pour très longtemps » et attend toujours les changements qu’elle espérait déjà il-y-a 50 ans. Mais « l’histoire est lente » conclue-t-elle.

« Le Bâillon d’Or 2018 est décernée à… »

Tour à tour, les institutions et les grandes multinationales défilent et sont pointés du doigt. En lice, les patrons de grandes multinationales, adeptes de l’évasion fiscale et accusés de bafouer le droit du travail : Olivier Brandicourt pour Sanofi, Lakshmi Mittal, pour Arcelormittal, mais aussi le Tribunal de Pontoise pour Assa Traoré, la sœur d’Adama et Vincent Bolloré pour Jean-Baptiste Rivoire, journaliste à Canal+. Chacun expose pendant cinq minutes celui, ou celle, qui les a censurés et bâillonnés. Pour François Ruffin, député LFI de la Somme, ces « Bâillons d’or » organisés par Fakir et le SNJ-CGT, sont un moyen pour que la loi sur le secret des affaires ne passe pas « comme une lettre à la poste ».

À l’annonce du nom du nominé aux baillons d’or Vincent Bolloré, la star absente de la soirée, le public se lâche. Sifflements, huées… Le récit des censures à peine voilées de l’homme d’affaire breton laisse un goût amer aux spectateurs et à sa victime, Jean-Baptiste Rivoire. Rythmé par un groupe de musicien, la soirée se termine en fanfare avec la remise du Bâillon d’Or. Finalement, tous les candidats en lice pour le prix du « roi de la censure » recevrons collectivement l’oscar ironique.

Logo de la cérémonie des des « Bâillons d’or » organisés par Fakir et le SNJ-CGT à la Bourse du Travail, à Paris le 12 juin 2018.

La loi « secret des affaires » c’est quoi au juste  ?

Afin de protéger les secrets industriels et commerciaux des entreprises, la loi propose une définition très large du secret des affaires. Les informations protégées à ce titre doivent :

  • ne pas être «généralement connue ou aisément accessibles à une personne » ;
  • revêtir « une valeur commerciale parce qu’elles sont secrètes » ;
  • faire « l’objet de la part de leur détenteur légitime de mesures de protection raisonnables pour en conserver le secret ».

Cette définition floue laissera donc aux juges, le plus souvent dans les tribunaux de commerce, et aux entreprises, le choix de définir une information, ou non, comme relevant du secret des affaires et donc les conditions de sa divulgation. Issue d’une directive européenne de 2016 devant être transposée dans le droit français, le Gouvernement a décidé d’utiliser une procédure accélérée afin que le texte fasse l’objet d’une seule lecture au Parlement. Adoptée à l’Assemblée Nationale le 14 juin, le texte a été définitivement adopté après le vote du Sénat le 21.

«Mes propres collègues de travail ont joué aux fléchettes sur ma photo »

Nicolas Vescovacci, journaliste pour Cash Investigation et co-auteur du livre « Vincent Tout-Puissant », explique au micro de Radio Parleur les tentatives de censure dont il a été victime par M. Vincent Bolloré. Un huissier réclamant 500 000€, des attaques en diffamation … tout est bon pour faire taire un journaliste.

Céline Boussié, lanceuse d’alerte, dénonce en 2013 de graves dysfonctionnements dans la prise en charge de personnes polyhandicapés dans un institut médico-éducatif du Gers. Dès lors, sa vie se transforme. Elle raconte son licenciement, les insultes, et ses anciennes collègues qui jouent aux fléchettes sur son portrait accroché au mur de l’établissement.

Série de reportages réalisée par Florian Yven