L’expulsion par la force des habitant.e.s de la Zone À Défendre de Notre-Dame-Des-Landes a débuté lundi 9 avril. L’assaut a repris tôt ce matin, pour une troisième journée d’affrontements. Suivez les événements sur notre site et via notre compte Twitter @radioparleur. 

Le contexte :

En annonçant la fin du projet d’aéroport à Notre-Dame-Des-Landes, le premier ministre Édouard Philippe avait promis l’expulsion des habitants de la Zone À Défendre après la fin de la trêve hivernale, le 31 mars. Il n’a pas tardé à exécuter ses menaces, comme on a pu le constater ce lundi 9 avril. Les opérations militaires ont commencé dans le bocage alors que des négociations entre la préfecture et une partie des habitants sont en cours depuis 3 mois. Celles-ci visent à trouver un terrain d’entente pacifique concernant le devenir de la zone, et à préserver ainsi les projets agricoles et culturels élaborés pendant plus de dix ans d’existence de la ZAD.  Le gouvernement, quant à lui, a promis des expulsions “ciblées” sans plus de précisions. Pour comprendre les enjeux, vous pouvez réécoutez notre émission enregistrée le 10 février dernier au cœur de la ZAD, juste après l’annonce de l’abandon du projet d’aéroport. 

NOS INFORMATIONS DES JOURS PRÉCÉDENTS À RÉÉCOUTER ET RELIRE : 

Lundi 9 avril, notre reporter Guillaume Hubert était sur place. Écoutez son reportage depuis la ZAD.

Vous pouvez également relire les lives des journées précédentes : 

-LUNDI 9 AVRIL-

-MARDI 10 AVRIL

LE POINT SUR LA SITUATION À 18H

Les affrontements :

Après une accalmie en début d’après midi, la situation est redevenue extrêmement tendue avec l’arrivée d’une manifestation improvisée . Celle-ci s’est formée à la fin du pique nique de protestation organisé dès 13h par les associations de défense de la ZAD au « camping des cheveux blancs ». Appelé aussi « camp des vieux fourneaux », il s’agit d’un camp improvisé qui regroupe les personnes les moins jeunes parmi les soutiens aux habitants de la ZAD. Parmi eux on compte de nombreux militants historiques du combat contre l’aéroport.

La manifestation improvisée issue de ce pique-nique militant à réuni plusieurs centaines de personnes et à rencontré les cordons de gendarmes près du lieu des Fosses Noires. Des échauffourées violentes ce sont rapidement déclenchées, les gendarmes faisant usage de gaz lacrymogènes et de grenades de désencerclement causant plusieurs blessés. Aux alentours de 15h, une journaliste membre de notre partenaire Reporterre à été blessé à la jambe. Voici les précisions données par l’équipe de Reporterre :

Une journaliste de Reporterre, présente sur le terrain, Marie Astier, a été blessée vers 15h15, non loin de la route D281, dans un champ, par un éclat de grenade qui l’a frappée à l’arrière du genou droit. Elle a été surprise par l’avancée des gendarmes, qui se sont mis à progresser soudainement, alors que la situation était calme depuis plusieurs heures. Elle saignait, mais a été emmenée par l’équipe des Médics de la ZAD et soignée au « point Médic ». Elle est sonnée, mais va bien.

Il semble que ces nouveaux affrontements marquent le début d’une nouvelle opération d’ampleur de la part des militaires. Des gendarmes mobiles ont été signalés au lieu-dit de la Grée ainsi qu’au niveau du chemin de la Mancelière. Une cinquantaine de camions et de blindés sont aussi arrivés sur l’autre route principale qui traverse la ZAD, la D81 au carrefour de la Saulce. Les gendarmes se sont aussi rapprochés du lieu des Fosses Noires, un lieu construit en dur, et selon les critères d’expulsion annoncés par la préfecture, censé de ce fait être épargné par les destructions. Face à eux se dressent de nouvelles barricades enflammées, érigées au niveau du lieu-dit La Grée. Des tracteurs conduits par des agriculteurs, soutiens des habitants de la ZAD, sont aussi en mouvement pour repousser les gendarmes. Coté Zadiste, au moins un blessé grave à dû être évacué vers un hôpital.  L’électricité a été coupée au niveau des Fosses noires et de Radio Klaxon ; la radio pirate de la ZAD n’émet plus pour le moment.

Les destructions :

Le lieu-dit La Mandragore à été rasé ce matin. D’après nos informations, cet après-midi au moins 3 autres ont connu le même sort : la Gaité, la Dalle à caca et la Boîte noire. Sur Twitter, plusieurs sources signalent aussi que les gendarmes ont investi les lieux-dits l’Isolette et la Sécherie. Les Fosses Noires sont aussi menacées bien que ne répondant pas aux critères de démolition annoncés par la préfecture.

Les réactions :

Des actions de solidarité ont eu lieu dans plusieurs villes de France comme à Die dans la Drome où la mairie a été occupée pendant plusieurs heures.  La confédération paysanne, syndicat d’agriculteurs, à publié un communiqué : « Les autorités ont refusé la main tendue hier par des habitant-e-s de la ZAD de se mettre autour d’une table, avec comme préalable l’arrêt des opérations policières. Le gouvernement doit aujourd’hui l’accepter pour obtenir un retour au calme. Sinon, il prend le risque que l’escalade de la violence constatée hier, avec des blessés de part et d’autre, ne conduise à un drame. » La Confédération paysanne demande l’arrêt de l’intervention et appelle les paysannes et paysans « à converger aujourd’hui massivement en tracteur vers Notre-Dame-des-Landes. »

 A l’assemblée nationale, le premier ministre Edouard Philippe à lui salué le « très grand professionnalisme » des gendarmes. « Les opérations se déroulent conformément au calendrier qui avait été envisagé […] les opérations vont se poursuivre dans le même esprit, avec la même fermeté et avec la même mesure », a-t-il déclaré.

LE POINT SUR LA SITUATION À LA MI-JOURNÉE 

Les affrontements :

Ils sont toujours en cours, mais l’impasse semble se confirmer. Les positions restent pour le moment quasi-identiques alors que l’opération des gendarmes se poursuit aujourd’hui pour le troisième jour. Les militaires ont pris position tôt ce matin. Les affrontements se poursuivent dans les prairies autour du Lama fâché, un lieu détruit lundi dernier. Il est situé au centre de la ZAD, à deux pas de la route départementale 281, dite “Route des chicanes”.  Les gendarmes n’ont pas tenté d’avancées significatives ce matin mais continuent à utiliser régulièrement les grenades lacrymogènes. Des tirs de lanceurs de balles de défense ont aussi été rapportés par les journalistes présents sur place. Vers 10h30, deux personnes ont été évacuées par l’équipe médicale de la ZAD. 

En dehors des zones d’affrontement, notre partenaire Reporterre.net rapporte qu’un groupe d’accueil et des ateliers ont été mis en place afin d’aiguiller les nouveaux arrivants, plus nombreux qu’hier. A l’appel des associations et des habitants de la ZAD, un grand pique-nique est prévu à 13h au camping des Cheveux blancs situé sur la Zone À Défendre pour protester contre les opérations militaires.

Le journaliste de Ouest-France Jean-François Martin propose sur son compte twitter @JFrançoismartin plusieurs extraits vidéos de la situation sur place.

Les destructions :

Elles semblent continuer mais se font au compte-goutte. Elles visent actuellement des lieux de petite taille. Ce matin seul le lieu-dit La Mandragore a été annoncé comme détruit. Pour rappel, la préfecture a annoncé hier l’expulsion puis la destruction de 16 lieux. Autre information : l’objectif initial, la destruction d’environ 40 lieux identifiés, pourrait être “revu à la baisse” à estimé la préfète de Loire-Atlantique Nicole Klein. 

Les réactions :

Elles sont toujours nombreuses de la part de la société civile et des mouvements de gauche. Hier soir des rassemblements ont été organisés, pour le deuxième soir de suite, dans plusieurs villes de France.  Dans plusieurs universités, des motions de soutien ont été votées en assemblée générale et, à Paris, l’EHESS est toujours occupée en solidarité avec les habitants de la ZAD.

Plus étonnant, on assiste aux prises de position de deux députés de la majorité LREM. Le député Matthieu Orphelin, dans un communiqué, « appelle à une pause dans l’opération pour permettre un arrêt des affrontements et une reprise du dialogue» . Pour l’instant, « les risques sont trop importants pour nos gendarmes et pour les militants non-violents » , précise-t-il, en raison notamment d’un « afflux de personnes ultraviolentes ». Le député En Marche François-Michel Lambert s’est exprimé mardi soir sur France Info : “Il ne faudrait pas qu’un homme, une femme tombe. On a vu que certains sont déterminés, je ne les cautionne absolument pas, mais à la fin, ça peut être un gendarme qui tombe, un journaliste… Est-ce qu’il n’est pas temps de faire une pause dans l’opération ?”. La question est posée.